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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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s’éloignèrent. Il entendait des rires au loin et des éclats de voix. Il ne savait plus que faire. Chercher Théodora dans le harem ? Peut-être était-elle sortie en compagnie du roi et des hauts dignitaires pour gagner le palais de Maredolce. Pourquoi ne pouvait-il réfléchir à autre chose ? Les souffrances de la jalousie devenaient insupportables. Il revoyait le visage de sa maîtresse après l’amour, ce visage d’abandon et de tendresse. Et si tout cela n’était que mensonges ?
    Combien de temps resta-t-il ainsi, remuant de sombres pensées ? Il finit par sortir de sa cachette, et gagna sans difficulté l’endroit qui l’intéressait : une des pièces du hammam où s’ouvrait un conduit d’aération. Quand il se laissa glisser à terre, un long moment plus tard, il était à l’autre bout du palais, dans la chapelle palatine.
    Celle-ci était déserte. Il tomba à genoux sur le dallage, levant les yeux vers la coupole qu’éclairaient faiblement les lampes à huile et les cierges. Il aurait voulu hurler son désespoir à la face de Dieu mais resta muet. Son regard se posa sur le Christ Pantocrator entouré des quatre archanges. Les mosaïques aux reflets d’or cernés d’un bleu profond luisaient dans la pénombre, le transportant loin, bien loin du palais normand et de ce qu’il s’était promis de faire cette nuit-là.
    Des larmes roulèrent sur ses joues. Il se prit la tête entre les mains. Pendant un moment, il avait cru qu’en retrouvant Théodora puis son fils, il serait sauvé. Seulement son fils était mort et Théodora... Il l’aimait toujours, mais le désir qu’il avait d’elle le rongeait comme un poison. Son corps se dérobait comme si les seules forces qui lui restaient ne devaient servir qu’à une œuvre de mort. Théodora ne disait rien, n’exigeait rien. Plus belle encore que dans ses souvenirs, elle venait le voir, lui parlait sans attendre de réponse, caressait ses lèvres, baisait son front... En demeurant dans la chambre des amours, il lui faisait courir un terrible danger. Et cela ne pouvait durer longtemps. Allait-elle le trahir, le livrer à ses bourreaux ? Il le souhaitait presque.
    L’harmonie qui régnait dans la chapelle le ramena quelques années auparavant. Jamais aucun lieu n’avait touché son cœur avec tant de force. Il attribuait cela à l’art très particulier des mosaïstes venus de la lointaine Byzance. Des artisans qu’il avait vus accroupis des heures durant, frappant de leurs petits marteaux ces infimes touches de bleu et d’or qui nimbaient la nef d’une lueur si particulière. Un faible bruit arracha Gamaliel à ses pensées. Il se redressa d’un bond et s’enfonça dans l’obscurité.
    27
    Les hommes de la Légion arabe n’avaient qu’un défaut : la régularité. Les patrouilles se suivaient, les officiers passaient, les relèves se faisaient, le tout aussi réglé que le pas d’un cheval de parade. Le meurtrier se fondit comme une ombre jusqu’à l’étage inférieur de la tour.
    Il avait fait très chaud et le ciel d’un gris sale avait viré au noir alors que le vent se levait. Quelques instants plus tard, des éclairs rayaient le ciel et la tempête se déchaînait au-dessus du mont Pellegrino avant de gagner la ville. C’est à la faveur d’un coup de tonnerre qui résonna jusque dans les entrailles du palais qu’il surprit les gardes. Le premier basculait à peine avec un râle effroyable que, déjà, il était sur le second, lui plantant sa dague dans le cou. Un flot de sang jaillit, éclaboussant le dallage. Le silence retomba. Les corps gisaient à ses pieds. De jeunes hommes que la vie désertait, dont les traits allaient se figer et prendre une teinte grisâtre. Il essuya sa lame.
    Un pas retentissait. Le meurtrier éteignit le flambeau le plus proche. On venait vers la salle du Trésor.
    Ce devait être le capitaine de la garde, le seul à en posséder les clés avec le roi et l’émir des émirs. Un officier dont la lourde responsabilité était de veiller sur le Trésor royal et sur le Diwan al-ma’mur , le bureau de conservation des registres du royaume. Lui aussi, songea le criminel, obéissait à une règle immuable : il venait le matin et à la tombée de la nuit, saluait ses hommes, puis ouvrait la salle pour en inspecter chaque recoin.
    Le capitaine déboucha dans le couloir. Une des torches était éteinte et la faible lueur de la dernière éclairait trois cadavres baignant dans leur sang.

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