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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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maître d’échecs, Al-Razi. Ce jeu de stratégie et de guerre le fascinait. Il n’avait jamais oublié les leçons d’Al-Razi lui expliquant les trois phases : awa’el al-dusut , l’ouverture, awsat ad-dusut, la phase de stratégie, celle qu’il préférait, et enfin akhir ad-dusut , le final, la mise à mort.
    Il aimait appliquer les règles complexes de l’échiquier à la vie politique et souvent élaborait de subtiles stratégies dont les pions n’étaient autres que les êtres qui l’entouraient, y compris le roi et la reine. Cette fois-ci pourtant, c’est lui qui avait été en échec et qui avait risqué la mort !
    Pourquoi n’avait-il pas compris ce qui se tramait ? Pourtant les signes avant-coureurs n’avaient pas manqué : regards, murmures, groupes qui se défaisaient à son approche. La cour était pleine d’ennemis prêts à tout. La succession de Roger II ne faisait pas l’unanimité parmi les barons, quant à lui, on lui reprochait son titre, la beauté de son palais et de son harem, ses coffres remplis. Il n’avait échappé que de justesse à ses assassins.
    Les voiles carrées d’une flottille de pêche étaient apparues à l’entrée du port. Le soleil baissait sur l’horizon. L’air qui soufflait de la mer lui apportait des senteurs de fleurs et d’épices. Le ciel était d’une transparence qui annonçait une soirée douce et une nuit étoilée comme il les aimait. Sa favorite et son dernier fils l’attendraient une fois de plus en vain. Il ne rentrerait pas à son palais. Son visage s’assombrit et il se leva, marchant de long en large pour apaiser l’angoisse qui montait en lui.
    Il venait de donner l’ordre que l’on désarme tous les musulmans de Palerme, non parce qu’il les redoutait ou les haïssait, mais parce qu’il fallait jeter quelque chose en pâture à ses alliés lombards pour les garder dans le creux de sa paume. Depuis longtemps il avait compris que la politique était un compromis, un équilibre de forces contraires sur lesquelles celui qui dirige essaye de se maintenir.
    Demain serait un jour de fureur. À l’aube, les soldats cerneraient le quartier de la Kalsa près du port, et forceraient les portes des maisons. Ceux qui résisteraient seraient emmenés au château de la mer ou châtiés... Toute rébellion serait écrasée. Une mesure que n’aurait pas approuvée le grand Roger II, lui qui, pourtant, à la fin de son règne, avait sacrifié nombre d’amitiés musulmanes, dont celle de Philippe de Mahdiyya, pour les mêmes raisons.
    Le regard de Maion fit le tour de la salle, ignorant le luxe des tentures, les soieries des coussins, les ors des peintures et des mosaïques. Sur une table basse était posé un grand plateau avec une collation et une carafe de vin auxquelles il n’avait pas touché. Il n’avait pas plus faim qu’il n’avait sommeil. Seul un travail acharné pourrait sauver le royaume. Non que Guillaume I er soit un mauvais roi, ainsi que certains le laissaient entendre. C’était un bon chef de guerre, mais sa chair était faible et l’indécision retenait trop souvent son bras. Pour la première fois, un mince sourire s’esquissa sur les lèvres de l’émir. Cette faiblesse était sa chance, il le savait. Il retourna à sa table et, trempant sa plume dans l’encre, se mit à écrire.
    8
    Le bruit des pas sur les pavés alerta les musulmans de la Kalsa. Quand ils regardèrent à travers les moucharabiehs, les soldats étaient déjà partout. Habillés de cottes de mailles, armés pour la guerre. Les officiers à cheval hurlaient des ordres. On frappait aux portes.
    Aussitôt, ce fut l’affolement. Personne ne comprenait ce qui se passait. Puis, précédées d’appels de trompe, les voix des hérauts annoncèrent que tous les musulmans de la Kalsa devaient rendre les armes sous peine de terribles représailles. Le cadi était arrivé avec des notables, l’imam l’avait rejoint, essayant de s’entretenir avec l’officier supérieur. En vain. Les ordres émanaient de l’émir des émirs, aucune discussion n’était possible.
    Certains hommes décidèrent de céder, d’autres refusèrent, disant que c’était une manœuvre des Lombards pour les déposséder et les tuer. Il y eut une algarade. Des groupes se formèrent. Les soldats forcèrent la porte d’une première maison, brutalisant les habitants. Les femmes hurlèrent, exhortant leurs maris et leurs pères au combat. Les enfants s’enfuirent, effrayés

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