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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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plus insupportable. Quel était celui qui avait crié ? Était-il de mes amis ? de mes ennemis ? Était-il évanoui ou mort ? Est-ce qu’un jour viendra où, moi aussi, je crierai comme cela, oubliant qui je suis ou plutôt qui j’étais ?
    5
    Encore des traits sur la paroi. Les hurlements continuent de résonner dans les couloirs, mais je ne m’en soucie plus. La peur m’a quitté. Elle a reflué, me laissant exténué par le combat que j ‘ ai mené contre elle et plus fort que je n’ai jamais été.
    La tarentule est toujours là. Elle vient chaque jour dévorer les proies que je lui offre. Après plusieurs essais, j’ai réussi à soulever la trappe, mes doigts sont en sang, mes ongles cassés.
    Le soleil pénètre plus avant dans mon cachot. Il éclaire le trou d’où monte un bruit de torrent. Je dois être au-dessus d’un des qanats de la ville. L’eau des torrents et des nappes souterraines passe par là et alimente fontaines et viviers. Peut-être me crachera-t-elle dans le port ? Je remets tout en place, et repousse le bol empli d’un brouet grisâtre.
    6
    L’un des soldats de garde devant la porte de l’appartement de l’émir des émirs, Maion de Bari, s’immobilisa, appuyant sa lance contre la paroi du corridor afin de s’essuyer le front.
    — Que fais-tu ? grommela son compagnon, un vieux soldat, en saisissant l’arme abandonnée et en la lui tendant. Reprends-la !
    Le garde ne parut pas entendre. Il avait ce regard trouble que donne parfois la fatigue et ses jambes vacillaient sous lui. Les relèves étaient irrégulières et il n’était pas rare, comme c’était le cas pour ces deux-là, de rester cinq jours et cinq nuits au même poste.
    Garder les appartements de l’homme le plus puissant du royaume leur valait la visite régulière des patrouilles qui quadrillaient le palais. Un page, celui de Maion de Bari, un gamin au visage pointu couvert de taches de rousseur et répondant au nom de Gaetano, renouvelait leurs cruches d’eau, leur apportait des galettes de farine de châtaigne fourrées de viande tiède et d’oignons grillés. Gaetano passait chaque jour s’enquérir des désirs de son maître, ramenant carafe de vin, collations ou nécessaire d’écriture. Il était de Bari comme l’émir et le servait depuis deux ans. Débrouillard et rusé, il avait toute sa confiance et effectuait pour lui les tâches les plus diverses. Pour le moment, il était le seul à avoir l’autorisation d’entrer dans ses appartements.
    Et le temps s’écoulait sans que rien d’autre n’arrive. Le garde, une jeune recrue, n’avait même jamais vu celui qu’il était censé protéger. L’émir des émirs restait invisible. On ne devait le déranger sous aucun prétexte et nul de ses familiers ne se serait risqué à enfreindre la consigne.
    — Prends ! répéta le soldat en lui tendant sa lance.
    Le jeune homme sursauta, mais au lieu d’obéir son visage se ferma, ses poings se serrèrent et il marmonna un juron. Enrôlé de force alors qu’il travaillait dans les plantations de roseaux au sud de Palerme, il n’avait accepté ni la discipline ni l’enfermement de son nouveau statut.
    — Si un officier nous surprend, insista l’autre, tu risques le fouet ou la pendais...
    Un léger glissement derrière eux l’interrompit, la recrue s’empara de sa lance et tous deux se figèrent dans un salut à l’officier qui venait d’apparaître, un sabre courbe glissé à sa ceinture, sa longue cape noire galonnée d’argent balayant le sol.
    Malgré ses années d’exercice, le vieux soldat se raidit. Le maître capitaine du palais, Simon, beau-frère de Maion de Bari, connu pour ses imprévisibles sautes d’humeur et ses accès de cruauté, s’approcha.
    Pour l’heure, il paraissait soucieux et ses sourcils froncés n’auguraient rien de bon.
    — Que se passe-t-il ici ? demanda-t-il en voyant le visage de la recrue s’empourprer.
    Ce n’était pas tant la carrure de lutteur de Simon qui impressionnait ceux qui le croisaient que sa face défigurée par un coup de masse d’armes et l’inquiétant sourire de ses lèvres arrachées qui découvrait ses gencives.
    — Pardonnez-nous, seigneur, fit le vieux soldat. Nous avons...
    Agacé, Simon leva la main.
    — Silence !
    L’homme se tut aussitôt.
    — Rien à signaler ?
    — Non, seigneur.
    — L’émir des émirs est-il sorti aujourd’hui ? ajouta le maître capitaine en tournant son regard vers le

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