Le Huitième Péché
dit Barbieri en posant les mains sur les épaules de Malberg, c’est notre seul espoir. L’homme reviendra une troisième fois chez la marquise. Celui qui peut passer de précieuses heures à attendre quelqu’un ne renonce pas aussi facilement.
— Tu as raison, répondit Malberg.
Les deux jours suivants ne furent guère couronnés de succès. Le découragement commença à gagner aussi Barbieri.
La tension monta entre les deux hommes, d’autant que Malberg était désormais convaincu que l’homme au visage brûlé était le seul qui pût contribuer à faire avancer leur enquête. Ils avaient quitté leur poste après avoir encore effectué une journée entière de surveillance. Une fois la nuit tombée, Malberg retourna jusqu’à l’immeuble de la marquise. Il ne savait pas lui-même ce qui l’y poussait.
Il connaissait maintenant de vue certains habitants de la rue. Il se cacha dans l’obscurité d’une porte cochère, en face de la maison de la marquise, et se mit à attendre.
Il n’était pas là depuis deux minutes que, derrière lui, la porte s’ouvrit brutalement. Avant même qu’il ait pu se retourner ou s’écarter, Malberg sentit le canon froid d’un revolver pointé dans son dos. Incapable de dire un mot, il leva les bras en l’air.
— Que voulez-vous ? Pourquoi me suivez-vous ? dit une voix étouffée et aiguë, qui évoquait le timbre d’un castrat.
— Je ne vois pas ce que vous voulez dire, balbutia Malberg.
Il était comme paralysé. La peur lui coupait les bras et les jambes.
Il pensa à la marquise, froidement assassinée à quelques mètres de là, de l’autre côté de la rue.
L’inconnu ne lâcha pas prise et, appuyant toujours le canon du pistolet dans le dos de Malberg, poursuivit :
— Je vous observe depuis des jours. Alors dites-moi ce que vous cherchez.
— Rien, répondit Malberg, éperdu, vraiment rien…
Il ressentit aussitôt un coup violent à l’arrière du crâne. Il vient de tirer sur moi ! pensa-t-il, et il fut pris de panique. Il avait épouvantablement mal. Il essaya de tâter la plaie que venait d’occasionner le projectile, de sentir le sang couler le long de sa nuque. Rien. Il finit par comprendre que l’inconnu n’avait fait que le frapper à la tête.
— Alors ? recommença la voix derrière lui.
Malberg était comme paralysé. Ses muscles étaient tétanisés. Il n’avait aucune envie de jouer les héros.
— Il s’agit de la marquise Falconieri…
— C’est bien ce que je pensais. Pour quelle autre raison surveilleriez-vous une maison complètement vide ? Vous connaissez la marquise ?
— Pas vraiment. Nous nous sommes rencontrés une fois. Je voulais acheter la collection de livres de son mari.
— Ah bon. Et combien voulait-elle pour ces vieux bouquins ?
— Deux cent cinquante mille euros.
— Et vous étiez prêt à payer cette somme ?
— Oui, naturellement. La collection vaut plusieurs fois ce prix. Malheureusement, il s’est avéré que ces précieux livres avaient tous été volés. Mais vous le savez déjà, je suppose.
— Je ne sais rien du tout ! répliqua l’inconnu.
Puis il empoigna Malberg par les épaules et le fit pivoter vers lui.
Malberg se retrouva face à un canon muni d’un silencieux. C’était un objet gros comme le pouce, de dix centimètres de long, un tuyau aux reflets bleutés vissé sur l’orifice du revolver. Derrière se trouvait un visage déformé par d’anciennes cicatrices de brûlures, sans cils ni sourcils. Malberg s’y était presque attendu. Il avait aperçu de loin le visage du brûlé, mais, vu d’aussi près, il était encore plus effrayant.
Malberg eut l’impression que l’homme défiguré savourait l’effet qu’il produisait sur lui ; d’interminables secondes s’égrenèrent, sans qu’il prononce un seul mot.
Comment expliquer le comportement de son agresseur ? Voulait-il l’intimider ? À quoi bon, il était déjà magistralement parvenu à ses fins en le piégeant de la sorte. D’une voix tremblante où se mêlaient la colère et le désespoir, Malberg dit :
— Allez-vous cesser de pointer ce truc sur moi ! Vous allez me faire peur, à la fin !
Malberg n’aurait jamais pensé que l’homme défiguré obtempérerait et baisserait son arme. C’est pourtant ce qu’il fit. En l’espace d’un instant,
Malberg reprit de l’assurance. Il fixa l’homme sans rien dire, comme s’il pouvait le tenir en échec par son seul
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