Le Huitième Péché
gagner du temps.
— J’ai essayé, finit-il par répondre, mais la tentative a échoué. Vous savez, je suis plutôt spécialisé dans les gros travaux, les sales besognes, les missions concrètes : un coup de feu, deux au maximum, et on n’en parle plus. Ou bien le cambriolage : l’objectif est précis, trois jours d’observation et de mise en place, puis l’affaire est expédiée en quinze ou vingt minutes. Mais traiter avec un cardinal de la curie, ce n’est pas facile, vous comprenez ?
En écoutant Gueule-brûlée, Malberg commençait à se demander s’il ne pouvait pas y avoir un lien entre ce type et le mystérieux accident du cardinal secrétaire d’État Philippo Gonzaga. Les cent mille dollars que Gonzaga avait avec lui dans un sac plastique étaient-ils pour Gueule-brûlée ?
Malberg n’avait pas la moindre envie de se lancer dans des affaires louches. Mais il se méfiait de Gueule-brûlée comme de la peste.
Il avait encore peur, pas moins qu’à l’instant où il avait senti le canon froid du revolver dans son dos. Lukas feignit donc de s’intéresser à ce que lui disait son interlocuteur.
— Vous savez, expliquait Gueule-brûlée, pour quelqu’un comme moi, la seule chose qui compte encore, c’est l’argent. Je me fiche de mon apparence, du moment que mon porte-monnaie est bien rempli. Tout peut s’acheter. Dire que l’argent ne fait pas le bonheur, c’est complètement idiot. Si c’était vrai, tous les pauvres seraient heureux.
Malberg hocha la tête ; il avait l’esprit ailleurs.
— Vous vouliez m’expliquer votre affaire, finit-il par dire.
Gueule-brûlée secoua la tête.
— Pas ici et pas aujourd’hui !
— Bien sûr, acquiesça Malberg à qui cette suggestion convenait à merveille. Mais vous comprendrez que je ne commencerai à rassembler l’argent qu’à partir du moment où j’aurai tous les éléments en main.
— Le contraire m’aurait étonné, répondit l’homme défiguré. On n’est jamais trop prudent. Le monde est tellement pourri. Je propose que nous nous retrouvions demain matin à dix heures.
— D’accord. Et où ?
— Devant la Pietà de Michel-Ange, dans la basilique Saint-Pierre. À droite en entrant.
— Pardon ?
— Vous avez compris ce que je viens de vous dire.
Avant même que Malberg ait pu exprimer son étonnement, Gueule-brûlée disparaissait en direction de la Via dei Coronari.
37
L orsque Malberg arriva chez Barbieri, il fut surpris de constater que celui-ci avait de la visite.
Caterina était là, avec son corsage blanc et sa jupe particulièrement courte. Elle n’avait pas attaché ses cheveux, qui lui tombaient sur les épaules, et elle s’était juste mis une touche de rouge sur les lèvres, comme le jour de leur deuxième rencontre au Colline Emiliane sur la Via degli Avignonesi. C’était dans cette tenue qu’elle lui avait déjà fait tourner la tête.
— Ce n’est pas ce que tu crois, lui dit Barbieri pour répondre à ses regards noirs. Elle attendait devant ma porte lorsque je suis rentré.
— C’est bon, je ne vous dérange pas, grogna Lukas qui se retourna aussitôt pour partir.
Mais avant qu’il n’arrive à la porte, Caterina l’avait rattrapé et lui barrait le chemin.
— Ce que tu peux être têtu ! dit-elle en passant ses bras autour de son cou et en glissant une jambe entre ses cuisses. Comment pourrais-je te convaincre que j’ai été moi-même dupée par Paolo ?
Malberg sentait la chaleur de son corps et l’odeur du parfum que dégageaient ses cheveux. Il eut envie de l’attirer contre lui, mais il était encore trop méfiant. Il avait tant besoin, pourtant, de quelqu’un en qui avoir confiance. Il remarqua le désir dans les yeux de Caterina. Mon Dieu, pensa-t-il, s’il existe au monde une femme qui peut me faire oublier mes soucis, c’est bien Caterina. Il fallait qu’il parvienne à oublier Marlène.
Il adopta une attitude distante et détourna le regard tout en essayant de se dégager des bras de Caterina. Le doute s’insinuait pour la première fois dans son esprit : avait-il été injuste envers la jeune femme ?
— Écoute donc au moins ce que Caterina a à te dire ! lança Barbieri du fond de la pièce.
Sans grand enthousiasme, Lukas s’assit en face de Barbieri à la table de la cuisine. Caterina lui tendit un morceau de papier avec une adresse dans le Lungotevere Marzio, un quartier plutôt recherché entre le Ponte Cavour et le Ponte
Weitere Kostenlose Bücher