Le Huitième Péché
signaler auprès d’elle.
Gonzaga bondit de sa chaise et se rua sur le téléphone.
— Alberto ? Sortez la voiture. Je dois me rendre immédiatement à l’Institut médicolégal universitaire. Vite !
Quinze minutes plus tard, le cardinal était en route pour la morgue. Comme toujours, Gonzaga était assis à droite sur la banquette arrière, comme toujours, le trajet se déroula dans un parfait silence. Le cardinal avait horreur de prendre la voiture, comme d’autres ont horreur de prendre l’avion. Il voyait dans la circulation romaine l’œuvre du diable.
Au milieu des embouteillages, il suait toujours à grosses gouttes, même si l’on était au cœur de l’hiver, en janvier. L’accident survenu sur la Piazza del Popolo et l’enlèvement dont il avait été victime quelques jours auparavant le confortaient dans sa hantise de l’automobile. Il ne pouvait toutefois se passer complètement de ce moyen de transport.
De sa voiture, Gonzaga appela le chef du service de médecine légale, le dottore Martino Weber. Il indiqua qu’il pouvait peut-être contribuer à l’identification du cadavre trouvé dans la fontaine. Son secrétaire privé Giancarlo Soffici avait disparu depuis plusieurs jours.
Lorsqu’il arriva sur place, on l’attendait déjà. Le médecin légiste emmena Gonzaga au sous-sol. Le cardinal avait du mal à garder son calme. Certes, il n’aimait pas particulièrement ce Soffici qui lui avait si souvent tapé sur les nerfs, bien qu’il fût intelligent, rapide et grand connaisseur de la Bible. Mais Soffici était l’incarnation du raté. L’Église ne manquait pas de ce genre de spécimens, depuis Adam jusqu’à Pierre. Et la Bible elle-même regorgeait de perdants.
Dans une pièce carrelée de faïence blanche, comme presque toutes les salles du sous-sol, le dottore Weber ouvrit une porte guère plus grande que celle d’un réfrigérateur de célibataire. Il tira du mur une civière recouverte d’un drap blanc. La silhouette du cadavre se dessinait sous le linge. Le médecin légiste retira le drap sans dire un mot.
Gonzaga se figea. Il voulait dire quelque chose, mais il était sans voix. Ses mâchoires se raidirent. Il serra les dents.
S’il avait été capable de parler, il aurait dit que ce n’était pas son secrétaire. Il aurait ajouté : « Je connais cet homme, je ne sais pas comment il s’appelle ni où il vit, mais je le reconnais à son visage défiguré. Nous nous sommes déjà rencontrés dans le vol Francfort-Milan. Il m’a proposé une affaire délirante. Cent mille dollars pour un minuscule bout de tissu, pas plus gros qu’un timbre-poste. Mais alors… »
Le dottore Martino Weber interrompit brutalement les pensées de Gonzaga.
— Connaissez-vous cet homme ?
Le cardinal tressaillit.
— Si je connais cet homme ? Non. Ce n’est pas mon secrétaire, je suis désolé, répondit-il sur un ton étrange. Comment est mort ce pauvre diable ? demanda-t-il encore.
Le médecin répondit avec la froideur de celui qui est confronté chaque jour à la mort :
— D’un simple coup sur la nuque, probablement assené avec le tranchant de la main. Mort sur le coup. Le lieu où le cadavre a été découvert n’est pas celui du crime.
— Je ne demandais pas tant de détails ! répliqua Gonzaga d’une voix tout aussi froide que celle du médecin légiste.
41
C omme la plupart des Romains, Caterina n’avait pas de garage. Elle pouvait s’estimer heureuse si elle trouvait une place de stationnement dans la Via Pascara, où elle habitait. Elle devait souvent se garer deux ou trois rues plus loin, si bien qu’il lui arrivait parfois d’oublier où elle avait laissé sa petite Nissan. Et, ce vendredi-là, elle se trouvait exactement dans cette situation, alors qu’elle était sur le point de se lancer dans une aventure périlleuse.
L’attitude hostile de Malberg lui pesait énormément. Leur relation était complètement bloquée. Elle trouvait qu’il avait littéralement disjoncté, qu’il avait cédé à son délire de persécution et qu’il s’enfermait dans son amertume. Néanmoins, pour décourager Caterina, il en aurait fallu davantage.
Elle dormait mal depuis plusieurs jours, mangeait à peine et n’avait qu’une seule idée en tête.
Par chance, ses nouvelles fonctions au sein de la rédaction du Guardiano lui laissaient la liberté dont elle avait besoin pour mener à bien ses investigations.
La nuit tombait déjà
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