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Le Huitième Péché

Titel: Le Huitième Péché Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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raison, tout en poursuivant son œuvre de destruction jusqu’au moment où il ne lui resta plus dans la main que des tiges.
    Sidérée, Caterina la regardait. Les cheveux de la signora Fellini étaient ébouriffés, comme si elle s’était battue avec quelqu’un.
    Son mascara noir dégoulinait le long de ses joues. Son peignoir s’était entrouvert. Mais elle ne semblait pas gênée de s’offrir ainsi en spectacle. Elle prit son verre et le leva devant elle avant de le vider et de le poser brutalement sur la table.
    — Je me suis un peu emportée, remarqua-t-elle sans regarder Caterina.
    — Si cela vous a fait du bien… répondit Caterina, jouant les compréhensives. Une bonne colère permet d’évacuer un peu.
    La signora Fellini essuya son visage dans la manche de son peignoir, ce qui n’arrangea pas son allure, bien au contraire.
    — Vous haïssez ce Gonzaga, commença Caterina prudemment.
    La signora alla jusqu’à la fenêtre d’où elle regarda la nuit au-dehors. De l’autre côté du Tibre, les lampadaires se reflétaient à la surface des eaux nonchalantes.
    — Gonzaga est un monstre, murmura-t-elle comme à elle-même. Croyez-moi.
    — Mais ce n’est pas grâce à lui que vous menez cette vie, désormais ?
    — Si, et c’est bien normal, dit-elle en se retournant vers Caterina.
    Ses yeux exorbités et son visage barbouillé faisaient presque peur.
    — Ce qu’il y a de sûr, c’est que j’étais plus heureuse quand j’étais concierge dans la Via Gora. Ici, j’ai l’impression d’être mise en quarantaine, d’être enfermée dans une prison dorée. On m’a interdit tout contact avec les gens que j’ai connus dans ma vie passée. Pire encore, on m’a condamnée au silence. Je suis déjà terrorisée, uniquement parce que je vous parle. On m’a interdit de parler avec qui que ce soit.
    Caterina hocha imperceptiblement la tête. Que pouvait bien savoir cette femme ?
    — Parfois, poursuivit madame Fellini, j’ai l’impression de voir des revenants. Je me sens suivie quand je me promène en ville. Je zigzague en chemin comme un lièvre traqué. Je suis en train de devenir folle, d’autant plus que je me suis rendu compte que j’avais toutes les raisons d’avoir peur. J’ai peur, peur, peur ! se mit-elle à crier si fort qu’elle s’étrangla à moitié.
    Puis, l’œil hagard, elle se laissa tomber dans un fauteuil.
    — Je sais que cela ne me regarde pas, dit Caterina posément pour calmer un peu le jeu, mais est-ce Gonzaga qui vous met dans cet état ?
    — Le distingué cardinal de la curie, Philippo Gonzaga !
    La signora Fellini eut un rire cynique.
    — Personne ne me croirait si je racontais publiquement ce que j’ai vécu.
    Caterina se retint de dire tout haut : « Mais bon sang, parle, alors ! »
    — Vous devriez prendre quelques jours de vacances, vous en avez bien besoin. Il fait encore beau à cette saison en Sicile…
    — Des vacances ! Du temps où j’étais concierge, je n’ai jamais pu en prendre. Qui aurait fait le travail à ma place ? Maintenant que je suis disponible et que j’ai les moyens, je pourrais en prendre, mais je n’en ai pas le droit. On m’a interdit de quitter Rome. Je dois rester sous le contrôle de Gonzaga.
    — Et vous n’avez encore jamais essayé de sortir de cette prison ?
    La signora Fellini joignit les mains.
    — Vous sous-estimez le pouvoir de Gonzaga. Je n’irais pas loin. Gonzaga a des hommes partout.
    — Comment avez-vous connu le cardinal ? s’enquit Caterina prudemment.
    Son interlocutrice s’insurgea.
    — Non, mais, qu’est-ce que vous allez vous imaginer ? Vous ne croyez tout de même pas que je fricotais avec ce monstre chauve ! Que Dieu m’en garde ! Un cardinal a certainement aussi quelques besoins, célibat ou pas. Mais, le cas échéant, il peut s’offrir mieux qu’une concierge sur le retour.
    — Ce n’est pas ce que je voulais dire, s’empressa de s’excuser Caterina. Je ne voulais pas vous froisser.
    — Ouais, c’est bon.
    La signora Fellini articulait de plus en plus mal, et Caterina dut tendre l’oreille pour comprendre la suite :
    — Il faut que je vous dise : quand la porte de ma loge restait ouverte du matin jusqu’au soir, ce n’était pas par curiosité. Une concierge qui fait son travail consciencieusement doit toujours savoir qui se trouve dans l’immeuble. Naturellement, j’ai vite remarqué le chauve au costume gris qui passait

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