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Le hussard

Le hussard

Titel: Le hussard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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avait rien, dans cette croûte brune, qui
puisse être relié aux propos de don Álvaro de Vigal ; la sensation qu’il
éprouvait était plus voisine de celle qu’on devait ressentir après avoir abattu
un animal dangereux.
    Les recrues avançaient à travers champs, accablées par la
marche forcée. Le village, de plus en plus proche, était misérable et gris,
avec quelques maisons blanches. Plusieurs coups de feu partirent d’un amas de
rochers, et les balles passèrent en bourdonnant, tout près d’eux, pour aller
s’enfoncer dans la terre humide. Michel de Bourmont dépassa Frédéric en
galopant à la tête de son peloton pour le déployer en éclaireurs devant la
colonne. Le jeune homme vit s’éloigner son ami tandis que l’infanterie pressait
l’allure. Les officiers du 8 e , sabre au clair, houspillaient leurs
hommes pour leur faire prendre le pas de gymnastique, le fusil prêt et les
visages rougis par l’effort.
    Un dernier rayon de soleil éclaira l’horizon avant de
disparaître derrière la couche de nuages de plus en plus épaisse. De nouveaux
coups de feu parvinrent des rochers et du village. Sur la gauche, un peu en
arrière et à la lisière du bois, on distinguait quelques cavaliers du 4 e  escadron
qui prenaient position pour se lancer à la poursuite de l’ennemi dès qu’il
aurait été délogé.
    L’un des deux bataillons du 8 e fit halte, les
hommes se reposèrent en s’appuyant sur leurs armes, pendant que l’autre
continuait sa marche. Le feu des Espagnols se fit plus intense et, dans les
rangs, plusieurs soldats tombèrent. Bourmont et ses hussards se replièrent sur
le flanc gauche, pendant que les tireurs à pied se déployaient à leur tour en
avant-garde, poursuivant le feu de harcèlement contre les positions ennemies.
    Frédéric regardait manœuvrer les compagnies du bataillon
sans perdre de vue les rochers et le village. Les recrues prenaient leurs
postes en courant tandis que les officiers criaient constamment des ordres,
sans cesser d’aller et venir au sein de leurs troupes. L’ennemi était presque à
portée de main ; les soldats s’arrêtèrent, se découpant sur l’horizon,
debout dans les champs où nul n’avait rien semé depuis des mois, la crosse du
fusil posée sur le sol. Frédéric tira sur les rênes de Noirot et fit volte-face
pour se replier avec son peloton. Il passa à dix ou douze mètres d’une
compagnie de chasseurs dont le capitaine, qui retournait la terre de la pointe
de son sabre, répondit distraitement au salut des hussards qui lui souhaitaient
bonne chance. Les soldats regardaient devant eux d’un air absorbé et grave,
leur baïonnette luisante frôlant la visière du shako. Un clairon sonna et le
tambour battit. L’officier au sabre parut s’éveiller d’un rêve, se tourna vers
ses hommes et lança un ordre. Les soldats se passèrent la langue sur les
lèvres, respirèrent profondément, soulevèrent leurs fusils et se mirent en
marche.
    Frédéric s’arrêta un moment et, debout sur ses étriers, jeta
un regard par-dessus la croupe de Noirot. Le bataillon avançait, imperturbable,
vers le village d’où jaillit une décharge nourrie. Les files bleues s’agitèrent
quelques instants, se serrèrent de nouveau et poursuivirent au pas en réduisant
la distance ; puis elles firent halte et tirèrent à leur tour. Une fumée
de poudre commença de se former entre elles et leur objectif. Quand le tambour
changea de rythme et que les soldats se remirent en marche, le terrain derrière
eux resta semé d’uniformes bleus étendus à terre. Ensuite, la fumée masqua la
scène, le fracas de la fusillade s’étendit partout et, du sein de la nuée
noire, parvinrent les cris des hommes qui se lançaient à l’assaut.

 
5. La bataille
    L’escadron se rassembla de nouveau dans un vallon qui
courait entre des collines ponctuées d’oliviers, dominé par la hauteur où se
tenait l’état-major du régiment. À l’horizon, sous les lourds nuages accumulés,
le canon continuait de tonner et l’on entendait nettement, tout proche, la
mousqueterie provenant du village attaqué.
    Hommes et chevaux se reposèrent à discrétion. Frédéric ôta son
colback et l’accrocha par la jugulaire au pommeau de la selle. Il vérifia les
fers de Noirot, puis but à longs traits à sa gourde. Il était détendu, en
excellente forme physique. Il conduisit son cheval vers un gros rocher plat et
s’assit dessus en étirant les jambes. Tout

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