Le Japon
devient le chef réel de l’État. Toutefois, le pouvoir du shogun sera progressivement remis en cause par les grands seigneurs de plus en plus indépendants.
L’H. : Si le shogun est le chef de l’État, quels sont les pouvoirs de l’empereur ?
P.-F. S. : L’empereur a un rôle religieux : il préside aux cérémonies ; il représente une sorte de médium entre les divinités et les humains. Il prie pour la paix et la prospérité du pays en tant que descendant du petit-fils de la déesse du Soleil. Cette divinité du Soleil est ancienne et s’est imposée entre le VII e et le VIII e sièclesous l’influence de la dynastie impériale qui a alors pris le pouvoir – la même qui est encore en place aujourd’hui.
L’empereur exerce également une fonction administrative : il valide les nominations aux charges importantes. Nombreux sont les seigneurs qui désirent conforter leur autorité réelle sur leurs terres par une fonction officielle qui les légitime – même si ces fonctions sont sans pouvoir. Par exemple, on les nomme à des titres théoriques de gouverneurs (kami) ou de vice-gouverneur (suke) de province. L’empereur nomme également les ministres qui sont toujours choisis parmi les quelques familles qui constituent l’aristocratie japonaise – la famille des Fujiwara notamment au pouvoir depuis l’Antiquité ; Konoe Fumimaro, Premier ministre en 1941, appartient à la très ancienne famille aristocratique des Fujiwara.
L’H. : Qu’est-ce qu’un samouraï ?
P.-F. S. : Samouraï est un des termes qui signifie « guerrier ». Il désigne soit les seigneurs locaux, soit leurs hommes d’armes. Les plus puissants d’entre eux, les seigneurs régionaux qui contrôlent une vassalité importante (l’équivalent des ducs et des comtes de chez nous), porteront le nom de daimyos à partir du XV e siècle.
Au Moyen Âge, le samouraï vit sur une terre, qui est son fief, reconnu par les autorités shogunales. Cette terre, soit il la tient de ses ancêtres, soit elle lui a été attribuée grâce à une victoire militaire. Il gère son domaine, il est le chef de la justice locale et des forces de police. Il est aussi responsable du prélèvement des taxes dont il reverse une partie au propriétaire officiel du domaine : un aristocrate de Kyôto, un monastère ou la famille impériale. Mais évidemment, en période decrise, les samouraïs refusent de payer, ce qui provoque des conflits. Au cours du temps, ils deviennent de plus en plus autonomes.
L’H. : Les samouraïs, c’est une caste fermée ?
P.-F. S. : Non, ce n’est pas une noblesse. Cela le deviendra à l’époque d’Edo, quand les statuts seront progressivement figés. Au Moyen Âge, l’instabilité permanente favorise des ascensions sociales fulgurantes. Si un paysan riche a les moyens de s’acheter un sabre et un cheval, il peut déclarer : « Je suis samouraï » ; personne ne viendra contester son nouveau statut. On désigne ces petits guerriers sous le nom de jizamurai, les « samouraïs de la terre », des guerriers-paysans en quelque sorte. À la fin du XVI e siècle, le nouveau chef du Japon, Hideyoshi, était un fils de paysan.
L’H. : Existe-t-il une cérémonie d’adoubement ?
P.-F. S. : Pas aussi formalisée qu’en Occident. Il existe un serment de vassalité. Le seigneur commence par réunir tous ses vassaux, puis il leur présente son nouveau vassal. Puis le seigneur et son vassal boivent dans la même coupe de saké pour sceller leur alliance. Le saké est ici le symbole du sang et indique une parenté consanguine fictive.
L’H. : Et pour hériter d’un fief, faut-il être le fils aîné ?
P.-F. S. : Concernant l’héritage, plusieurs mécanismes doivent être pris en compte. La société japonaise ancienne n’est pas monogame. Il y a une épouse principale, des concubines reconnues et des concubines au statut non officiel.
L’idée de pureté du sang n’existe pas. L’adoption est ainsi un phénomène courant. Il n’y a pas de primogéniture. L’héritier est désigné parmi les fils du seigneur – que sa mère soit l’épouse principale ou l’une des concubines – et les enfants adoptés. C’est parfois celuiqui a été adopté qui hérite. Il arrive aussi que le seigneur vieillissant s’entiche de sa dernière concubine, la plus jeune, dont il a un enfant en bas âge. Le premier fils, qui a une vingtaine d’années, peut se retrouver
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