Le Japon
l’époque ancienne correspond la culture de cour dans laquelle les femmes sont très bien représentées : entre la fin du X e siècle et le début du XI e apparaissent des personnages féminins de premier plan, auteurs de poèmes, de recueils de maximes et d’œuvres aussi importantes que Dit du Genji qui est quasiment un roman au sens moderne. Ensuite, au Moyen Âge, on passe à une littérature guerrière, non pas écrite par des guerriers, mais qui rapporte des récits de guerriers le plus souvent racontés par des moines itinérants, mais parfois aussi des nonnes. Enfin, à l’époque d’Edo, une littérature « bourgeoise », urbaine, domine, avec l’émergence du théâtre kabuki qui rencontre un grand succès.
L’H. : Quelle est l’importance des villes à cette époque ?
P.-F. S. : Le Japon médiéval comptait sans doute entre 8 et 10 millions d’habitants vers le XI e siècle, 15 millions (18 millions au maximum) en 1600. Mais ces chiffres sont des estimations plus ou moins fiables. Au Moyen Âge, seules les capitales sont vraiment des villes importantes : Kyôto (on parle de 200 000 habitants peut-être au xv e ), Nara et Kamakura (sans doute guère plus de 50 000 habitants à leur apogée). À côté de ces villes, il n’y a que des bourgades.
Au XV e et au XVI e siècle, on assiste à l’émergence de deux agglomérations portuaires, Sakai (proche de l’Ôsaka actuelle) et Hakata (l’ancienne Fukuoka). Les échanges maritimes s’accroissent considérablement avec la Chine, la Corée, Okinawa et même le Sud-Est asiatique, ce dont profite le Japon. Lorsque les Portugais arrivent dans cette région au début du XVI e , ils se glissent dans des réseaux qui existent déjà, ce qui a assuré la rapidité de leur réussite. Au début du XVII e , ce trafic seréduit brusquement lorsque les Chinois et les Japonais ferment leurs côtes…
L’H. : Comment sort-on du Moyen Âge ?
P.-F. S. : Jusqu’au XVI e siècle, l’anarchie et l’instabilité s’accroissent. On assiste parmi les samouraïs à l’émergence de ligues, appelées les ikki , formées de petits seigneurs qui s’associent, sans lien de vassalité, pour résister aux pressions des paysans qui refusent de payer l’impôt et à la volonté des puissants qui cherchent à les intégrer dans leurs organisations vassaliques et à les priver de leurs libertés. Dans des régions où le pouvoir seigneurial a disparu, les ikki deviennent très puissants, réussissant parfois à fédérer une vallée entière sous leur autorité et constituant des sortes de républiques autonomes. L’archipel est alors en proie à une grave instabilité des couches dominantes : le paysan conteste le pouvoir du guerrier, le vassal celui de son seigneur, le seigneur celui du shogun. Les Japonais de la fin du Moyen Âge appelaient cela « le monde à l’envers ».
À l’issue des guerres du XVI e siècle qui voient s’affronter des dynasties éphémères de seigneurs de la guerre, le pays se réunifie sous la main de fer de seigneurs plus puissants qui finissent par s’imposer et rétablir vers 1600 un État fort. La période de « monde à l’envers » a tellement traumatisé les élites que ces dernières rêvent désormais d’une société immobile où les statuts et les rapports de force seraient figés. Les fiefs existent toujours, mais ils sont bien contrôlés par le pouvoir. Les daimyos gèrent leur seigneurie. Les samouraïs qui ne font plus la guerre se consacrent aux tâches administratives, ils se transforment en bureaucrates et en lettrés et, progressivement, s’intègrent à la vie urbaine.
Quant aux ikki , certains ont continué la lutte sous la forme de guérilla, avant de se reconvertir en troupesauxiliaires du shogun – sans avoir le statut de guerrier. Ils se sont spécialisés dans les « coups tordus » et dans l’assassinat, développant des techniques de combat spécifiques et adoptant une manière de s’habiller en noir pour passer inaperçu la nuit. Ce sont eux qu’on appelle les ninjas (ce qui signifie « gens cachés ») ; au XIX e siècle, une mythologie les a transformés en Robin des bois – ce qu’ils n’ont jamais été.
L’H. : Que reste-t-il aujourd’hui de cette période médiévale ?
P.-F. S. : L’architecture monastique (avec les temples), les jardins (l’art du jardin, en particulier le jardin zen, remonte au Moyen Âge). Les châteaux ont
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