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Le Japon

Le Japon

Titel: Le Japon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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coup, on s’est posé la question de l’existence d’une « féodalité » japonaise, ce qui avait l’avantage d’expliquer le passage au capitalisme et à l’impérialisme. En somme, le Japon était un pays occidental qui s’ignorait. Pour étayer ces thèses, on s’est appuyé sur les textes des premiers Jésuites arrivés au Japon au XVI e  siècle. Ceux-ci expliquaient au pape que le Japon, à la différence des sociétés indiennes d’Amérique, ressemblait aux pays d’Europe, avec des villes libres, des chevaliers, des comtes, des ducs… et qu’il fallait donc faire un effort spécial envers lui. En 1583, Alexandre Valignano, dans une relation missionnaire, décrit le Japon comme un « monde à l’envers », et conclut : « Les Japonais sont comme nous, sauf qu’ils ne connaissent pas Dieu. »
    L’H.  : Cette comparaison avec la féodalité occidentale est-elle fondée ?
    P.-F. S.  : Il faut commencer par s’entendre sur la définition de la féodalité. Si on la considère comme une société fondée sur un recul de l’emprise de l’État, avec des seigneurs qui sont des propriétaires fonciers armés assurant sur place une grande part des pouvoirs régaliens et qui contrôlent des domaines sur lesquels travaillentdes paysans, avec un groupe des guerriers structuré par des liens vassaliques (les guerriers devant à leurs seigneurs des services militaires contre des fonctions et des titres sur des terres cultivées qui deviennent leurs fiefs), il existe bien au Japon une société qui fonctionne ainsi au Moyen Âge. On y retrouve des seigneurs provinciaux armés à la tête de domaines sur lesquels ils rendent la justice et où ils organisent la police locale, tout en percevant des redevances sur les habitants. Ils sont aussi intégrés dans une hiérarchie de type vassalique avec, au sommet, le shogun. Comme les chevaliers occidentaux, ils doivent se mobiliser en cas de guerre et, en échange de ce service, ils obtiennent soit un renouvellement des garanties sur les terres qu’ils possèdent déjà, soit de nouvelles terres qui leur sont octroyées sur les vaincus. La ressemblance avec la féodalité occidentale est tout à fait étonnante, d’autant que nous savons qu’il n’y a pas eu d’influences réciproques.
    De fait, aux deux extrémités du continent eurasiatique, des sociétés de même nature sont apparues, et cela presque à la même époque. Il y a tout de même des différences, à commencer par l’instabilité permanente qui a prévalu pendant le Moyen Âge japonais, plus grande sans doute qu’en Occident. Du milieu du XIV e  siècle jusqu’à la fin du XVI e , le Japon connaît quasiment sans interruption une situation d’anarchie féodale qu’on ne retrouve pas en Occident, sauf peut-être en France pendant la guerre de Cent Ans. Et bien sûr le bouddhisme n’est pas l’Église chrétienne.
    L’H.  : Comment le Japon est-il entré dans ce système de féodalité ?
    P.-F. S.  : Tout commence par un délitement de l’État central dès les X e et XI e  siècles, en particulier dans les provinces périphériques où émerge un groupede notables armés. Ceux-ci, devant l’incurie de l’État impérial, s’imposent en maintenant un semblant de sécurité avec leurs propres moyens.
    Ensuite, il y a un raidissement du rapport de classes, une volonté de faire travailler la paysannerie plus durement et de faire rentrer l’impôt, ce qui passe par des mesures répressives à l’encontre de la paysannerie qui rendent nécessaire un accroissement du nombre de guerriers. Les guerriers sont plus puissants dans les régions éloignées de l’État central, loin de la capitale impériale Kyôto : dans l’extrême sud de l’île de Kyûshû, et dans le nord de Honshû, qui est en guerre contre des populations insoumises, les Emishi ou Ezo. Mais c’est l’Est qui est le cœur du système. Là se développe l’une des principales féodalités du Japon, celle des Minamoto, dans le Kantô notamment. À la fin du XII e  siècle, leur vassalité victorieuse se cristallise autour d’un nouvel État et s’impose en tant que puissance concurrente de la Cour. L’État impérial finit par déléguer au chef des Minamoto la force publique avec le titre de « shogun ». Le premier à porter ce titre est Minamoto Yoritomo en 1192. En charge des affaires militaires et policières, le shogun en vient à s’occuper aussi des relations internationales et

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