Le Japon
déshérité. D’où d’incessantes querelles et conflits au sein des lignages seigneuriaux qui expliquent souvent la récurrence des guerres médiévales.
L’H. : Il y a tout un imaginaire autour des samouraïs. Cela repose-t-il sur une réalité ?
P.-F. S. : Dans les faits, au Moyen Âge, lorsque les guerriers risquaient vraiment leur vie, leurs mœurs étaient impitoyables. Le Dit des Heike, un récit racontant la rivalité des Minamoto et des Taira à la fin du XII e siècle, est plein d’exemples qui le montrent. Ainsi, un jour, le chef des Taira, Kiyomori, vainqueur de Yoshitomo, le dirigeant du clan Minamoto, fait rechercher la femme de son ennemi, réputée très belle. Après l’avoir entendue chanter, il lui promet d’épargner ses enfants si elle devient sa concubine. Elle cède… mais il veut faire exécuter ses enfants quand même. Finalement sa propre épouse intervient pour plaider la cause des enfants, qui seront épargnés.
Un autre épisode célèbre en dit long sur les mentalités guerrières de ce temps. En pleine bataille entre les Minamoto et les Taira qui tourne manifestement à l’avantage des premiers, le récit relate un combat singulier au cours duquel un Taira est sur le point de vaincre son ennemi. Le Minamoto est à terre, prêt à être achevé. Il demande alors à son adversaire de l’épargner, lui affirmant que la bataille est déjà perdue pour son clan, que le tuer ne servira à rien mais que, s’il est épargné, il parlera à son suzerain en sa faveur et fera en sorte que le guerrier Taira, les siens et ses possessions soient épargnés.
Le guerrier Taira hésite et relâche prise. À ce moment le Minamoto en profite pour se redresser et l’abattre. Dans le récit, le Minamoto est présenté comme admirable, parce qu’au moment où il allait se faire exécuter il a eu la présence d’esprit de tenir un discours apte à ébranler son ennemi, alors qu’il s’agissait d’un leurre. Ces épisodes montrent que l’idéal du guerrier médiéval est loin du bushido idéalisé des temps modernes.
L’H. : Quelles sont les armes des samouraïs ?
P.-F. S. : Au début du XII e siècle, les samouraïs sont des cavaliers et des archers. Ils s’entraînent d’abord à être d’excellents tireurs à l’arc montés sur des chevaux – qui ressemblent à ceux des Mongols, plus petits que nos chevaux d’aujourd’hui. Progressivement, le sabre prend plus d’importance, au point de devenir, à partir du XVII e siècle, le symbole du statut de samouraï.
Les combats sont extrêmement codifiés, tout en étant d’une grande sauvagerie. On ne se bat pas contre n’importe qui. Avant chaque bataille, un guerrier commence par clamer son nom, sa filiation, et demande si quelqu’un est digne de lui. Un adversaire se lève et déclare à son tour sa filiation ainsi que sa dignité, évidemment niée par la partie adverse. Le combat individuel commence. L’objectif est avant tout de s’emparer de la terre de son adversaire ; s’il n’en a pas, risquer sa vie n’a aucun sens. Après la bataille, les guerriers du camp vainqueur se présentent devant leur suzerain avec la tête de leur ennemi abattu pour réclamer des récompenses.
L’H. : Où vivent les samouraïs ? Y a-t-il des châteaux ?
P.-F. S. : Des bâtiments du XII e et XIII e siècle qui étaient construits en bois il ne nous reste que les infrastructures : les fossés, les douves…
On a pu reconstituer deux types de demeures : la résidence guerrière, qui prend la forme d’une sorte de manoir, localisé dans les plaines, avec un début de fortification, une cour, le logement seigneurial, une réserve, etc. ; et des citadelles construites dans les montagnes qui utilisent les reliefs naturels et servent de refuge en cas de danger.
À partir du XV e siècle, on commence à construire de véritables résidences fortifiées. À l’intérieur de celles-ci, on retrouve des éléments tout à fait semblables à ce qui existe en Occident : une cour intérieure, un sanctuaire, les appartements privés du seigneur, des écuries…
À partir du XVI e siècle, les châteaux ressemblent à ceux de l’Europe. Ils sont construits en pierre avec des meurtrières, des tours et des douves profondes. Ils deviennent alors un symbole de la puissance du seigneur.
L’H. : Existe-t-il des populations qui échappent aux relations de féodalité ?
P.-F. S. : Selon l’historien Amino
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