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Le Japon

Le Japon

Titel: Le Japon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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déguisées, et des guerriers continuèrent à s’ouvrir le ventre de leur propre chef, sans toujours se soucier du cérémonial. Les motivations pouvaient êtretrès diverses ; à l’époque d’Edo comme de nos jours, les adolescents s’avéraient parfois particulièrement fragiles : de jeunes samouraïs à peine sortis de l’enfance se sont ouvert le ventre par dépit d’avoir eu le dessous dans un chahut avec leurs camarades. On se suicidait aussi, paraît-il, par rancune envers un personnage dont on ne pouvait tirer vengeance ou réparation, en lui faisant ensuite porter un sabre pour le mettre au défi de faire de même, une pratique que les fiefs prohibèrent au début de la période d’Edo. Enfin, quand les motivations demeurent inexpliquées, les textes mettent l’éventrement sur le compte d’un « coup de folie » (ranshin) .
    Reste que, on l’a vu, les samouraïs étaient souvent obligés d’accomplir cet acte sur ordre de leur seigneur. Et il arrivait que tout le cérémonial du seppuku ne soit qu’un simulacre : le sabre court destiné à pratiquer l’incision abdominale était remplacé par un inoffensif sabre de bois, voire un éventail ; le condamné était dans ce cas tout bonnement décapité. On estimait que son crime méritait une fin sans gloire, mais on lui épargnait quand même de cette manière, ainsi qu’à sa famille, une humiliation complète. De plus, tous les guerriers n’avaient pas le cran nécessaire pour s’ouvrir le ventre. L’assistant chargé en théorie de porter le coup de grâce au mourant était en fait un bourreau qui faisait parfois voler la tête avant même que la lame ait pénétré dans l’abdomen. Un manuel à l’usage des guerriers chargés d’organiser un suicide rituel, les Enseignements oraux sur le seppuku , leur recommande même de se munir à l’avance d’un nécessaire à écrire : au cas où le vassal n’arriverait pas dans un temps raisonnable à faire le geste fatidique, on devait alors lui offrir un peu d’alcool et lui demander s’il ne souhaitait pas rédiger un dernier mot ; puis, lorsque le condamné qui réfléchissait à cequ’il pourrait bien écrire inclinait la tête dans une position convenable, il fallait en profiter pour lui couper le cou à l’improviste.
    En réalité, sous la valorisation morbide de la noblesse du suicide se camouflait donc parfois la manipulation sans scrupule des sentiments de responsabilité et de solidarité, et toutes les formes de pression exercée par les autorités guerrières sur les collectivités (famille, proches, vasselage) dont dépendaient les vassaux pour les forcer à se supprimer. C’est d’ailleurs bien trop souvent sous cet aspect détestable que la coutume, pour les militaires, d’assumer par leur mort la responsabilité d’un échec va survivre au Japon après la chute des Tokugawa et l’avènement d’un État-nation moderne, avec l’entrée dans l’ère Meiji en 1868.
    Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux officiers japonais, pressés par la défaite, s’ouvrirent le ventre ou se suicidèrent de toutes les manières imaginables sur les champs de bataille d’Asie et du Pacifique. Tous ne le firent pas pour éviter de tomber vivant aux mains de l’ennemi : après la défaite de Nomonhan face à l’URSS en 1939, on exigea des officiers en charge de l’exécution de plans de bataille sur le terrain qu’ils endossent par leur suicide la responsabilité du fiasco militaire, alors qu’ils n’avaient fait que suivre les ordres de supérieurs qui couvrirent ainsi leur propre incompétence, et voulurent couper court à toute polémique sur les déficiences du haut commandement. Le colonel Sumi Shin’ichiro, qui refusa de se plier à cet outrage, ne fut pas inquiété par une cour martiale (car la justice militaire n’avait rien à lui reprocher), mais il fut versé immédiatement dans la réserve : on lui signifiait ainsi la fin de sa carrière, un limogeage humiliant qui l’exposait à l’opprobre de ses collègues et de son entourage.Récupération et dévoiement du bushido par l’État-nation modernisé et le Japon militariste, sans doute. Mais les racines du mal existaient déjà chez les guerriers des Tokugawa.
    Note
    19 . Les moxas sont une technique de la médecine chinoise traditionnelle consistant à stimuler les points d’acupuncture avec des objets incandescents.

III
    UNE GUERRE DE QUINZE ANS

Asie-Pacifique : un océan de

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