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Le Japon

Le Japon

Titel: Le Japon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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pour lâcheté).
    L’époque d’Edo, entre 1600 et 1867, fut celle où se renforcèrent les distinctions entre les statuts sociaux. Les guerriers furent séparés des paysans (alors qu’au Moyen Âge ils vivaient au milieu d’eux) : il leur fut défendu de se livrer à des activités de production ou d’échanges et on les regroupa dans des villes où le pouvoir seigneurial pouvait les surveiller plus étroitement. Cette situation accentua les différences entre les bushi et le reste de la population : leur existence fut encadrée à l’aide de tout un arsenal de rituels et d’obligations, de symboles (privilèges vestimentaires, port de deux sabres, etc.), qui les soumettaient à l’autorité seigneuriale tout en accroissant leur prestige. L’affirmation de la spécificité du statut guerrier, y compris dans la façon de mourir, et même dans le rapport à la mort, doit être comprise dans ce cadre. La dimension judiciaire du seppuku est donc propre, pour l’essentiel, à la période d’Edo. Elle disparut avec la suppression des fiefs et de la condition guerrière elle-même en 1871, et l’adoption de la pendaison comme mode d’exécution de la peine capitale en 1873.
    Le seppuku était en général ordonné après enquête, mais la procédure du jugement ne dépendait pas d’autorités judiciaires ou de police, comme pour le reste de la population ; elle relevait du seigneur et de son conseil gouvernemental : la sentence était donc une expression du lien vassalique dont les premières exigences étaient une loyauté et une obéissance absolues, jusqu’à accepter de se suicider sur ordre. Car désormais, dans des vasselages fermement tenus par les daimyos et surveillés par le shogounat, il n’était plus possible pour un guerrier defuir une sentence de mort en cherchant refuge dans un clan rival, comme au Moyen Âge.
    Il est bien difficile d’établir une échelle des fautes qui auraient exigé d’un guerrier qu’il s’ouvrît le ventre. On est en effet parfois frappé par l’apparente légèreté de certains manquements qui obligèrent de malheureux samouraïs à mettre fin à leurs jours. Le troisième shogun Tokugawa, Iemitsu, se signala par sa sévérité : selon l’historien Yamamoto Hirofumi, un samouraï étourdi qui était entré à cheval dans le château d’Edo, et un autre qui, lors de son service de garde et en présence de visiteurs de la cour de Kyoto, avait retroussé son vêtement à cause de moxas 19 appliqués sur son mollet, furent tous deux condamnés à se faire seppuku. Mais de telles bévues auraient sans doute entraîné des sanctions plus clémentes avec un maître moins intransigeant.
    Le sort du vassal dépendait donc beaucoup de l’humeur des dirigeants, mais aussi du rang du guerrier (le shogunat évitait de soumettre les daimyo, les grands seigneurs féodaux, à ce genre de sentence), des mœurs locales également. Ainsi, durant les deux siècles et demi que dura la période d’Edo, on condamna relativement peu au suicide dans le vasselage des Tokugawa, du moins officiellement : on préférait l’exil ou l’assignation à résidence, apparemment pour sauvegarder la réputation du shogunat ; en revanche, dans le fief de Satsuma, dans l’île de Kyushu, les luttes politiques se conclurent parfois par des suicides liquidant le parti vaincu.
    Le seppuku découlait quelquefois de contradictions propres à la condition guerrière. La pacification desmœurs entraîna au tournant des XVI e et XVII e  siècles une généralisation de l’interdiction des duels entre guerriers. On condamnait en principe les deux parties, ou le survivant, à mort (kenka ryôseibai) , sans que la question de la responsabilité de l’incident n’influe sur la sentence : solution expéditive qui coupait court à tout processus de vendetta meurtrière. On incitait ainsi les samouraïs à manifester du sang-froid, et à faire passer l’ordre public et la discipline du vasselage avant leur fierté. Mais dans le même temps, on attendait d’eux qu’ils agissent virilement et courageusement. Un guerrier qui refusait de répondre à une provocation en duel ou ne tirait pas rapidement vengeance d’une insulte pouvait donc passer pour un lâche.
    Par conséquent, un vassal qui bravait l’interdiction de se battre, puisqu’il désobéissait à l’autorité seigneuriale, était condamné à mort, surtout s’il abattait son adversaire, mais comme il s’était comporté en bushi

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