Le Japon
Chine va devenir insignifiante. Le Japon signe en avril 1941 un pacte de neutralité avec l’URSS. À cette date, les États-Unis et les puissances anglo-saxonnes sont devenus ses principaux adversaires. De fait, les États-Unis, implantés aux Philippines et ayant plusieurs positions dans le Pacifique central, dont l’archipel d’Hawaï et l’île de Guam, ne peuvent accepter l’hégémonie japonaise en Asie du Sud-Est et sur un océan dont ils sont eux-mêmes bordiers.
En septembre 1940, la formation de l’Axe – l’alliance tripartite entre l’Allemagne, l’Italie et le Japon – fait basculer le Japon dans le camp ennemi de la Grande-Bretagne (qui a des possessions importantes dans cette partie du monde : Malaisie, Birmanie, Singapour…), de l’Australie (qui est le plus souvent alignée sur la position britannique) et des Pays-Bas (qui, bien qu’occupés, ne sont pas sortis de la guerre, leur gouvernement en exil continuant de contrôler les colonies des Indes néerlandaises, source majeure d’approvisionnement en pétrole).
Les États-Unis font néanmoins encore preuve de patience : de mars à décembre 1941, on négocie sans relâche à Washington. C’est le Japon qui va inciter Roosevelt à adopter une position de plus en plus ferme. L’occupation complète de l’Indochine en juillet 1941 entraîne un gel des avoirs japonais et un embargo total des matières stratégiques. Le Japon se retrouve privé à la fois de la ferraille américaine, indispensable à sa sidérurgie, et de pétrole néerlandais.
En novembre 1941, le secrétaire d’État américain Cordell Hull envoie une note en forme d’ultimatum à Tokyo. Il somme le Japon de renoncer à de nouvelles conquêtes asiatiques et surtout de prévoir un plan de retrait de ses forces en Chine. Bien que ces propositions soient à l’évidence inacceptables pour le Japon, il est inepte de dire que les États-Unis l’ont acculé à la guerre. En réalité, le Japon, après avoir eu les coudées franches pendant des années, a fini par se heurter à un mur – celui des intérêts vitaux de Washington. Les relations entre les deux pays ne se gâtent que très tardivement.
L’H. : Comment expliquer l’alliance du Japon avec l’Allemagne en 1940 ?
J.-L. M. : Avec cette alliance, le Japon semble avoir commis un acte aberrant. Concrètement, elle ne va rienlui apporter. Il n’y aura aucune opération commune. En fait, les Japonais ont cru habile de se rallier au vainqueur des puissances coloniales européennes, qu’il croit capable de l’aider à assurer sa domination sur l’ensemble de l’Extrême-Orient, où l’Allemagne – seule des grandes puissances – n’a aucune position ni revendication.
Mais intervient aussi, de la part des dirigeants japonais, un alignement idéologique évident. Il faut évoquer ce que j’ai appelé, après de nombreuses hésitations et en ayant bien conscience des différences avec le modèle européen, le « fascisme japonais ». Il existe incontestablement une fascination des Japonais pour le fascisme italien, puis pour le national-socialisme allemand. Cela ne signifie pas qu’ils reprennent à leur compte la totalité de ces idéologies. Il n’y a au Japon ni parti unique ni chef charismatique, et le discours, essentiellement néotraditionaliste, n’a rien de révolutionnaire. Alors que les terres qu’ils vont dominer comptaient environ 15 000 Juifs (pour la plupart des réfugiés d’Europe centrale), les Japonais ne participeront pas à la politique d’extermination.
Reste que le système fasciste leur apparaît comme un modèle d’efficacité, notamment l’« État total » qui intervient dans tous les domaines et qui encadre étroitement dès le temps de paix la population autour d’une mystique nationaliste à connotations guerrières. Le système japonais est le seul au monde à partager avec l’Allemagne et l’Italie d’une part la mobilisation totale de l’ensemble des énergies du pays en vue de la construction d’une armée puissante, d’autre part la volonté inflexible d’expansion militaire. En fait, l’Italie, l’Allemagne et le Japon ont la même façon de considérer que la politique n’est qu’une façon de faire la guerre par d’autres moyens.
Avec l’Italie fasciste, mais surtout avec l’Allemagne nazie, le Japon des années 1930 partage l’ultranationalisme, la haine pour la démocratie, le culte du guerrier et une fascination
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