Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Japon

Le Japon

Titel: Le Japon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
Vom Netzwerk:
critiqué le régime, en termes plus ou moins radicaux. Ils ont en général perdu leur poste et ont été interdits de publier, mais ils ne furent pas dans l’ensemble emprisonnés. Ils représentent une infime minorité. On a une impression de quasi-unanimisme autour de la mystique impériale : les cadres communistes eux-mêmes, presque tous, après quelques années de prison, se « convertissent » (c’est l’expression d’alors) à l’ultranationalisme.
    Il est vrai que tous les Japonais baignent dans cette idéologie depuis le début des années 1930 : à l’école, dans les médias, pendant leur service militaire et dans les nombreuses structures d’encadrement (jeunes, femmes, réservistes, associations de voisinage…) qui mobilisent la population même en temps de paix. Aucun habitant ne peut échapper à ce bourrage de crâne. Il y a donc un consensus extrêmement fort.

    L’H.  : Quand sont apparus les kamikazes ?
    J.-L. M.  : Très peu de Japonais se sont rendus pendant la guerre, sauf en Mandchourie en août 1945. Les soldats préfèrent généralement la mort à l’infamie de la reddition. On connaît des cas de militaires japonais qui refusent de croire en 1945 à la capitulation du Japon, parfois des mois durant, et accusent de trahison ceux qui doutent. De très nombreux prisonniers nippons refusent que la Croix-Rouge prévienne leur famille. Ils préfèrent qu’elle les croie morts plutôt que de leur infliger le déshonneur de la capture.
    Les kamikazes sont plus banalement dénommés pendant la guerre « Corps spécial d’attaque » (Tokkôtai) . Recrutés par milliers parmi les étudiants aux sursis résiliés, tous volontaires, ils ne constituent qu’un recours désespéré, alors que le Japon a déjà perdu la guerre : ils ne sont pas engagés avant octobre 1944, lors du débarquement américain aux Philippines. Ils représentent une réponse rationnelle à la double pénurie (pilotes expérimentés et carburant) qui menace alors de paralyser l’aviation japonaise.
    C’est en janvier 1932, lors de l’incident de Shanghai : une bataille rangée qui va durer des semaines et faire plusieurs milliers de morts dans la ville, qu’on voit – dit-on – quelques jeunes soldats japonais s’entourer le corps d’explosifs et se précipiter sur les tranchées chinoises pour s’y faire sauter. Ils deviennent immédiatement des héros nationaux. À ma connaissance, c’est la première fois que ce genre de phénomène apparaît dans l’histoire de l’humanité.
    L’expérience des kamikazes est encore omniprésente dans le Japon d’aujourd’hui, et suscite une intense émotion, même chez les plus antimilitaristes. Plus généralement, les 2,5 millions de soldats morts pour l’empereurdepuis la restauration Meiji sont tous qualifiés de divinités, dans le sanctuaire shinto de Yasukuni, qui en tient le registre.
    L’H.  : Sans Hiroshima et Nagasaki, le Japon se serait-il rendu ?
    J.-L. M.  : Oui, assurément. Le pays avait perdu ses alliés, sa marine en quasi-totalité, et presque tout contact avec ses conquêtes d’Asie du Sud-Est et leurs matières premières ; surtout, un nouvel adversaire, l’URSS, était apparu le 8 août 1945 et avait disloqué en quelques jours l’armée du Kwantung, en Mandchourie.
    Mais le personnel dirigeant nippon s’obstinant à n’accepter qu’une paix de compromis, les Alliés auraient certainement été contraints à un débarquement au Japon même, où plusieurs millions d’hommes restaient mobilisés, et parfois solidement armés. La guerre se serait probablement prolongée pendant six mois ou un an. Des dizaines de milliers d’Américains de plus auraient été tués, ce qui aurait pu aller jusqu’à doubler les pertes des États-Unis dans la guerre du Pacifique (101 000 tués pour 184 000 face à l’Allemagne et l’Italie).
    En outre, de nombreux Japonais préférant se sacrifier (et sacrifier leurs concitoyens) plutôt que de se rendre, les populations de la sphère nippone vivant dans des conditions toujours plus dégradées, la prolongation de la guerre aurait à coup sûr entraîné des millions de morts supplémentaires. Il serait délicat d’être plus précis, mais on arrive à la fin de la guerre à 150 000 morts par semaine, dont une grande majorité de civils, du fait de la famine qui se généralise.
    L’H.  : Quel est le bilan des victimes de la guerre ?
    J.-L. M.  : Il est difficile de

Weitere Kostenlose Bücher