Le Japon
reçu de lui une carte postale de Tokyo, put finalement le rejoindre.
Le recours aux pilotes-suicides culmine entre avril et juin 1945, lors de la bataille d’Okinawa, qui fut l’une des plus terribles de l’histoire. Les Japonais y avaient concentré des forces considérables, et le siège de l’île coûta la vie de 49 000 Américains, alors que 110 000 Japonais, militaires et civils, se firent tuer sur place ou se suicidèrent dans de furieux assauts, plutôt que de se rendre.
L’importance d’Okinawa est autant stratégique (à partir de l’île, les forces américaines peuvent pleinement se déployer) que symbolique (c’est la première des îles véritablement japonaises à être attaquée). C’est ce qui pousse les Japonais à y organiser une résistance désespérée. L’emploi des attaques kamikazes y est donc maximal : le 6 avril 1945, la flotte américaine subit devant l’île le raid de centaines de kamikazes. Au total, le sacrifice de 300 kamikazes permet la destruction de 6 navires américains et l’endommagement de 18 autres.
On mesure, par ces chiffres, la relative inefficacité des assauts nippons, et, par contrecoup, l’efficacité de plus en plus redoutable de la DCA américaine. Les avions américains, de plus en plus performants eux aussi, n’ont aucun mal à rattraper les Zero japonais, alourdis par la grosse bombe accrochée à leur ventre. Leurs qualités aérodynamiques étant amoindries, ceux-ci sont rapidement anéantis.
De plus, contrairement à une idée reçue, un avion-suicide qui percute un bateau ne suffit pas à le couler. Souvent, même après plusieurs impacts, il est encore possible de réparer le navire. Le destroyer Laffey , attaqué le 15 avril 1945 par 30 avions et frappé par 4 kamikazes, n’a pas été détruit.
Au fur et à mesure que la guerre du Pacifique avance, les aviateurs expérimentés commencent à faire défaut, et le carburant se raréfie. Les pilotes aguerris sont maintenant affectés aux missions de couverture et aux combats aériens. Et puis, l’ardeur guerrière des plus jeunes, ceux qui sont voués au plongeon final, diminue considérablement : on en voit même qui, au dernier moment, tentent de relever leurs appareils. Au printemps 1945, la cible n’est atteinte que dans moins d’un cas sur huit.
C’est pourtant à Okinawa que les Japonais mettent au point une nouvelle arme-suicide. Il s’agit d’un planeur en bois de 6 m de long. Transporté par un bombardier à une altitude de 6 000 à 8 000 m d’altitude, il est ensuite largué à environ trente kilomètres de la cible, dont il s’approche en planant. Le pilote, assis sur une tonne d’explosifs, allume alors les fusées et entame son piqué sur l’objectif.
Baptisée « Ôkha » (« fleur de cerisier ») par les Japonais, et « baka-bomb » par les Américains (« baka » signifiant « imbécile » en japonais), cette arme, qui est utilisée en mars et avril 1945, se révèle totalement inefficace ! Il en était de même, déjà, des sous-marins de poche utilisés à Pearl Harbor (bourrés d’explosifs et conduits par un seul homme), des vedettes lance-torpilles précipitées contre les navires ennemis ou des hommes-grenouilles-dynamites.
Les unes après les autres, les batailles décisives sont perdues par les Japonais. Bientôt, c’est sur le sol national que le dernier combat sera livré. Les fanatiques du sacrifice et du suicide national continuent à se faire entendre. Onishi n’hésite pas à affirmer qu’avec 20 millions de morts volontaires l’empire serait sauvé ! Mais la supériorité américaine, dans le ciel aussi bien que sur la mer, est désormais trop écrasante, et la défaite inéluctable.
En quelques mois, cependant, de la mi-1944 à l’atomisation d’Hiroshima le 6 août 1945, le sacrifice de près de 5 000 kamikazes a permis de couler 35 navires américains et d’en endommager 285. La gestion rigoureuse de la mort volontaire a porté au paroxysme le spectacle de l’héroïsme dans la pure tradition du suicide guerrier japonais.
Notes
41 . La tension était alors au plus fort entre la Chine et le Japon, qui occupait la Mandchourie depuis 1931. Le 19 janvier 1932, cinq Japonais sont attaqués à Shanghai par des Chinois. Suivent des combats sanglants entre Japonais et Chinois.
42 . Cf. M. Pinguet, La Mort volontaire au Japon , Paris, Gallimard, 1984.
43 . Dans La Chute de Berlin (De Fallois,
Weitere Kostenlose Bücher