Le Japon
et a ordonné le bombardement dévastateur des bases aériennes de Clark Fields, de Nichos et de Iba.
Le 20 octobre 1944, les « forces spéciales d’attaque par choc corporel » (Taiatari Tokubetsu Kôgekitai) sont créées 43 . Il s’agit, dans un premier temps, de quatre escadrilles composées de 26 avions (13 devant s’écraser et 13 devant servir de guide et de protection). On baptise ces unités « kamikazes » (littéralement, « vent des dieux »). C’est le nom donné au typhon qui, en 1281,pour la seconde fois, avait détruit la flotte mongole de Kubilay Khan, évitant ainsi au Japon l’humiliation d’une soumission à l’empire du Milieu.
Les 22, 23 et 24 octobre, des sorties sont tentées par les pilotes. Mais les mauvaises conditions météorologiques obligent finalement les candidats au suicide à regagner leur base, alors que l’aviation américaine poursuit ses raids meurtriers. En effet, très peu d’avions japonais disposent d’un équipement de vol permettant de voler lorsque la visibilité est nulle, alors que les appareils américains en sont tous dotés et bénéficient, contrairement à leurs adversaires nippons, d’excellents radars.
Du 23 au 25 octobre, enfin, la bataille de l’île de Leyte, au cœur des Philippines, donne aux kamikazes l’occasion d’entrer en action. Tôt dans la matinée du 25, neuf avions décollent de l’aérodrome de Mabalacat. Les pilotes portent autour du cou et du crâne un linge blanc, le hachimaki , dont se servaient les guerriers samouraïs du Japon féodal pour empêcher leurs longs cheveux de couvrir leurs yeux 44 . Ce morceau d’étoffe blanc, imprimé d’un soleil rouge, devient l’emblème rituel du corps spécial d’attaque aérienne.
Sur les cinq appareils de l’escadrille engagée, qui porte le nom de « Shikishima » (ce terme désigne le Japon dans un poème célèbre), quatre réussissent à percuter leur cible. L’un des avions-suicides crève même le pont du porte-avions St. Lo , inondant de son essence enflammée le hangar inférieur. Quelques minutes plus tard, le navire américain coule. La mission des premiers kamikazes est un succès. La seconde escadrille, qui a décollé, elle, de Mindanao à l’aube du 26 octobre, ne réussit qu’à endommager le porte-avions Swanee .
Dès lors, le vice-amiral Onishi s’emploie à mettre sur pied de nouvelles formations. C’est aux commandants des bases aériennes que revient la mission de persuader les élèves officiers – une trentaine à chaque fois – de la nécessité du sacrifice. Après une nuit de réflexion, chacun à tour de rôle vient lui donner sa réponse. Le sentiment de solidarité, d’émulation, le désir d’héroïsme particulièrement fort à cet âge (entre vingt et vingt-cinq ans), conduisent la plupart à accepter. Après avoir reçu les félicitations de leur chef, ils signent l’engagement.
La procédure est ensuite presque toujours la même. Après un départ groupé, les avions de la formation-suicide se dispersent lorsqu’ils arrivent à environ 40 km de leurs cibles. La défense antiaérienne américaine a fort à faire, d’autant qu’au piqué vertical les pilotes nippons ajoutent bientôt les attaques rasantes, difficiles à détecter : la DCA n’a qu’une trentaine de secondes pour réagir.
Jour après jour, les candidats au suicide s’envolent des aérodromes de Kyushu (la grande île du sud du Japon) ou du nord de Ryukyu, un chapelet d’îles s’étirant au sud de Kyushu, notamment de l’île d’Okinawa.
Au début, les kamikazes infligent des pertes assez importantes à la flotte américaine, qui, surprise, ne sait comment parer les coups. À l’arrière, à Tokyo, la presse célèbre les exploits des « héros dieux de l’air » qui, affirme la propagande, portent des coups terribles au moral de l’ennemi.
Plus nombreux que les avions disponibles, ces pilotes sont choisis parmi les étudiants des disciplines juridiques et littéraires – les scientifiques étant considérés comme trop importants pour l’avenir du pays. Les photos nous les montrent jeunes, souriants, partageant une coupe de saké avec leur chef, agitant une dernière fois la mainavant de fermer leur cockpit et de s’élancer pour un voyage sans retour. Cet enthousiasme, célébré par le discours patriotique, était-il sincère ? L’historien Ikuhiko Hata, professeur à l’université de Chiba, au Japon, spécialiste de la
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