Le Japon
souveraineté en Indochine pendant la presque totalité de la guerre du Pacifique – à tel point que Paris peut apparaître alors comme un allié objectif de Tokyo. Dès septembre 1940, l’Indochine a servi de base de départ aux attaques nipponnes et fourni à l’empire du Soleil-Levant des produits agricoles et des matières premières.
Néanmoins, la déclaration de guerre de la France libre au Japon le 8 décembre 1941 justifie la présence d’un représentant français, le juge Bernard, au procès de Tokyo, tandis que la liquidation, en mars 1945, de la présence française en Indochine par l’armée japonaise vaut à la France un statut de victime de l’impérialisme nippon.
Une fois définie la charte du Tribunal militaire international, les ordres d’arrestation des suspects sont lancés par MacArthur et transmis au gouvernement japonais : ils concernent des membres du gouvernement de Tojo Hideki (1941-1944) qui ont pris la responsabilité de déclencher la guerre du Pacifique ; des diplomates qui ont œuvré en faveur de l’alliance avec l’Allemagne ; des militaires qui ont occupé des postes importants en Chine ou en Corée. Certains d’entre eux, comme l’ancien Premier ministre Konoe Fumimaro (1937-1939 et 1940-1941), parviennent à se suicider avant d’être appréhendés. D’autres sont détenus en Union soviétique.
Les arrestations commencent dès le 11 septembre 1945, soit neuf jours seulement après la signature de l’acte de reddition du Japon. Deux mois plus tard, un bureau d’accusation international est établi sous la présidence du procureur américain Joseph Keenan. Avocat proche du président Roosevelt, ce dernier a été l’une des figures de la lutte contre la pègre de Chicago dans les années 1930. Chargé de l’accusation américaine au procès de Tokyo malgré son incompétence en matière de droit international, il a été désigné, à son arrivée à Tokyo, chef du groupe d’accusation international par MacArthur – dont il respectera à la lettre les instructions.
L’attention se concentre alors sur les suspects de crimes contre la paix, les criminels de la catégorie A, c’est-à-dire ceux accusés de porter une responsabilité centrale dans le déclenchement et la menée de la guerre 51 .Dans un premier temps, le 8 avril 1946, 26 personnes sont retenues pour entrer dans cette catégorie. Parmi elles Tojo, Premier ministre au moment du déclenchement de l’attaque de Pearl Harbor, est assimilé rapidement à une sorte de Hitler nippon.
Les Soviétiques obtiennent eux la mise en accusation du diplomate Shigemitsu Mamoru (ministre des Affaires étrangères de 1943 à 1945) et du militaire Umezu Yoshijiro (commandant des forces japonaises de Mandchourie et ambassadeur au Mandchoukouo).
De son côté, le procureur australien Alan Mansfield va jusqu’à proposer l’inculpation de l’empereur Hiro-Hito. Mais il se heurte au refus de Keenan qui craint qu’une telle initiative nuise à la bonne marche du procès. En effet, depuis sa rencontre avec Hiro-Hito le 27 septembre 1945, MacArthur est persuadé que les Américains doivent maintenir l’empereur sur son trône s’ils souhaitent assurer la sécurité des troupes d’occupation.
Les séances du tribunal ont lieu dans un quartier proche du centre de Tokyo, à Ichigaya, dans les bâtiments de l’ancien état-major impérial. Près de 200 000 personnes, dont 150 000 Japonais, y assisteront durant deux ans et demi. Sept agences de presse, parmi lesquelles l’Agence France-Presse, couvrent le procès, qui se déroule en anglais et en japonais, avec une traduction simultanée en russe et en français.
Concernant l’ouverture du procès, Arnold Brackman, alors correspondant, raconte : « 26 des 28 accusés de crimes de guerre de la catégorie A [accusés de crimes contre la paix] avaient été emprisonnés à la prison deSugamo depuis leur arrestation. Isolés du reste de la communauté de la prison dans leurs cellules individuelles, ils allaient enfin comparaître devant la cour. Le jour de l’ouverture, ils prirent leur petit déjeuner plus tôt qu’à l’accoutumée et furent précipités dans un bus aux fenêtres couvertes de papier. Escorté par un convoi de la police militaire, le bus apparut à l’entrée ouest du tribunal à 8 h 30, heure réglementaire. Il était prévu que le tribunal commençât ses travaux à 10 h 30. Conformément à ce qu’ils n’avaient
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