Le Japon
« marche de la mort de Bataan 53 ». La désunion qui règne au sein de l’imposant groupe constitué par la centaine d’avocats japonais et américains provoque également de nombreux conflits.
De fait, dès le début, le procès de Tokyo a suscité les controverses. Depuis, en Occident, certains, tel l’historien britannique Richard Minear, n’ont pas hésité à le qualifier de procès destiné à venger les Anglo-Saxons. Ces derniers auraient attribué au Japon un plan d’agression inexistant, des crimes contre l’humanité qui n’en étaient pas et condamné des hommes sans véritables preuves.
Au Japon, il fut perçu de manière ambivalente. Plus que la question de l’application de lois rétroactives – qui s’est également posée à Nuremberg –, c’est le manque de preuves à charge irréfutables qui a jeté une ombre sur les débats. En effet, le délai entre l’acceptation par le Japon des termes de la déclaration de Potsdam, le 14 août 1945, et l’arrivée des troupes d’occupation le 30 du même mois, a laissé le temps aux autorités nipponnes de brûler l’essentiel de leurs archives. Les juges ont donc dû accorder la primauté aux témoignages : pas moins de 419 témoins se succèdent à la barre durant le procès.
De plus, les Anglo-Saxons ont cherché coûte que coûte à appliquer la thèse du complot contre la paix, comme cela avait été fait à Nuremberg. Or, dans le cas japonais, la rotation rapide des principaux responsables civils et militaires aux postes de commandement fragilise considérablement ce type d’accusation. Entre 1928 et 1945, le seul à rester à son poste est l’empereur. Mais sa non-comparution fait douter de la bonne foi du tribunal.
À regarder de plus près le verdict, on peut constater en outre que les membres de l’armée de terre ont représenté à eux seuls la moitié des 28 accusés et 6 des 7 condamnés à mort. Il semble que les accusateurs américains, qui connaissaient très mal les dirigeants et lefonctionnement des institutions politiques et militaires japonaises, aient été les victimes d’une véritable opération d’intoxication menée par les diplomates et les marins nippons pour rejeter sur leurs rivaux l’essentiel de la responsabilité des crimes imputés à leur pays. Cette diabolisation de l’armée de terre a permis aux Américains de présenter Hiro-Hito comme un prisonnier des militaires. Affirmation fausse, même s’il est vrai qu’à partir de la fin des années 1920 les militaires sont intervenus de plus en plus fréquemment dans les affaires politiques.
Le verdict du procès de Tokyo soulève encore d’autres questions : 7 accusés sont condamnés à mort, 16 à la réclusion à perpétuité, 1 à vingt ans de prison, 1 à sept ans ; 2 sont décédés durant le procès, 1 a été déclaré mentalement irresponsable.
Il avait été prévu que les condamnations pouvaient être prononcées à la majorité simple, y compris en cas de peine capitale. Or, très vite, les juges américain, britannique, soviétique, chinois, néo-zélandais et canadien se constituent en groupe et rédigent le verdict sans même prendre la peine de consulter les cinq autres juges, qui refusent dès lors de s’associer aux conclusions. Le juge français Henri Bernard et le juge australien et président du tribunal William Webb s’opposent au groupe majoritaire sur des principes juridiques. De son côté, le juge néerlandais Bert Röling nie la culpabilité de certains accusés, tandis que le juge indien Radhabinod Pal considère que tous les inculpés sont innocents. Enfin le juge philippin Delfin Jaranilla soutient que le verdict est trop clément.
Cette cacophonie ne contribue pas à améliorer l’image du procès de Tokyo. D’autant que l’attitude des Alliés pendant et après la guerre n’est pas exempte de critiques.Les Soviétiques ont attaqué le Japon en août 1945 en contrevenant au pacte de non-agression qu’ils avaient signé à Moscou en avril 1941. Après la guerre, au mépris du droit international, ils ont imposé le travail forcé à la majorité de leurs prisonniers de guerre japonais.
Mais la plus grave mise en cause porte naturellement sur les Américains, du fait des bombardements atomiques en août 1945. Lorsque la défense a tenté de soulever cette question, le président Webb l’a rejetée sous prétexte qu’elle ne relevait pas de la juridiction du tribunal. La question des armes
Weitere Kostenlose Bücher