Le Japon
des travaux d’intérêt stratégique (fabrication d’armes et production minière, construction de voies ferrées, etc.), l’esclavage sexuel imposé à de nombreuses femmes coréennes, chinoises, javanaises ou encore néerlandaises.
Tout au long des quatre années que dure dans le Pacifique le second conflit mondial, Washington ne cesse de mettre en garde Tokyo contre d’éventuelles exactions contre les soldats américains – l’armée nipponne a une image détestable depuis le massacre de Nankin. Devant le flot d’informations qui leur parviennent sur les crimes commis par les puissances de l’Axe, les Alliés ne se contentent bientôt plus de menaces : ils créent le 7 octobre 1942 à Londres un Comité des nations unies sur les crimes de guerre et, un an plus tard, le 10 octobre 1943, avec la participation des Soviétiques, la Commission des nations unies sur les crimes de guerre.
Le 1 er novembre 1943, Roosevelt, Churchill et Staline signent la déclaration de Moscou sur les actes inhumains. Pour juger les suspects de crimes de guerre, la déclaration prévoit deux cas de figure : le premier est le jugement des personnes ayant exercé des responsabilités à l’échelon local dans le pays où ils ont commis leursforfaits et selon le droit du pays en question ; le second est le jugement en Allemagne, par les quatre pays alliés, des principaux dirigeants nazis. La distinction est donc de nature spatiale, elle ne se fait pas selon la gravité des crimes commis. À première vue, le Japon n’est pas directement concerné. En fait, cette déclaration sert de cadre juridique au procès de Nuremberg. Mais la jurisprudence de ce dernier est au fondement du procès de Tokyo.
Du point de vue du théâtre asiatique proprement dit, la première étape sur la voie du jugement des criminels de guerre japonais est la formation le 10 mai 1944, à la suite d’une proposition chinoise, de la Commission restreinte pour l’Extrême-Orient. Elle a pour tâche de réunir des preuves et des témoignages, d’établir des listes de suspects, d’examiner les problèmes juridiques et d’en informer les gouvernements intéressés.
Le 26 juillet 1945, les gouvernements américain, britannique et chinois signent la déclaration de Potsdam qui enjoint au Japon de se rendre ; l’article 10 prévoit en outre l’application d’une justice sévère à l’endroit des criminels de guerre. L’Union soviétique ne la signe que le 8 août, après avoir in extremis déclaré la guerre au Japon. Ce dernier accepte le 14 août, quelques jours après l’explosion de deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, les termes de la déclaration de Potsdam, qui devient la base juridique du procès à venir des dirigeants japonais et qui entérine la reddition du pays.
Entre-temps, Américains, Britanniques, Français et Soviétiques ont signé le 8 août les accords de Londres relatifs à la poursuite et au châtiment des criminels de guerre des pays de l’Axe. Deux nouveaux chefs d’accusation sont établis : celui de crime contre la paix et celui de crime contre l’humanité. C’est cet imposant arsenal juridique que le commandant suprême des forcesd’occupation alliées au Japon a en main lorsque, le 19 janvier 1946, il établit la charte du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient. Douglas MacArthur estime pourtant personnellement qu’on devrait se limiter à l’attaque de Pearl Harbor comme chef d’accusation.
La charte comporte, par rapport à son modèle de Nuremberg, deux différences importantes. D’une part, la définition du crime contre l’humanité est modifiée pour pouvoir être appliquée à ceux qui se sont rendus coupables de crimes non seulement sur les populations civiles mais sur les combattants eux-mêmes. D’autre part, la présence d’un avocat auprès des suspects durant la totalité des interrogatoires n’est plus obligatoire.
En avril 1946, il est décidé que les pays signataires de l’acte de capitulation du Japon – l’Australie, le Canada, la Chine, les États-Unis, la France, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Union soviétique –, ainsi que l’Inde et les Philippines, pourront chacun déléguer un juge et un procureur au Tribunal militaire international.
Certains de ces pays se trouvent dans une situation ambiguë à l’égard du Japon. C’est le cas en particulier de la France, dont les Japonais ont respecté la
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