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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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commença à se répandre doucement par-dessus la rumeur désordonnée de la ville.
    Firmin se mit à hurler et se laissa choir sur les pavés. Baillehache se pencha pour le soulever en le saisissant sous l’aisselle. Le moine exhorta le condamné à distance :
    — Lève-toi, mon fils. Laisse-toi faire.
    Mais le vieil homme se débattait. Alors que Baillehache le traînait sur les pavés, une large auréole d’urine apparut sous sa chemise. Le bourreau lui fit gravir de force les marches, une par une. Mais, ce faisant, il faillit mettre le pied sur la menotte d’un garçonnet qui s’était faufilé à côté de l’escalier et y grattait une tête de clou. L’exécuteur s’arrêta et jeta un regard à la ronde avant d’apercevoir une jeune mère anxieuse qui se frayait un passage avec difficulté à travers la foule pour attraper l’enfant. Elle fut stupéfaite de se faire apostropher par le bourreau :
    — Éloignez-vous avec cet enfant. Allez. Filez à une gargote et plus vite que ça.
    — Mais… j’ai tout autant le droit qu’un autre d’être là !
    — Je ne veux pas le savoir, dit-il, avec dans la voix une tonalité âpre qui n’admettait pas de discussion. Déguerpissez !
    Firmin et Baillehache furent suivis du héraut et du moine au capuce relevé. Lionel s’était lui aussi mis à chanter l’hymne sacré, mais il s’arrêtait souvent. Sa voix sans relief était celle d’un étranger. Elle le dérangeait.
    Une fois en haut, la grosse main de Baillehache se referma sur le bras de sa victime, au-dessus du coude gauche.
    Une croix de Saint-André attendait, inclinée de façon à ce que le supplice puisse être vu de tous. Les assistants avaient déjà disposé une série d’instruments sur une petite table et préparé des seaux d’eau froide. Tout cela avait été dressé non loin de la potence contre laquelle l’échelle était appuyée.
    Baillehache protégea ses chausses et sa tunique courte en se ceignant d’un tablier grisâtre que l’un des assistants portant cagoule lui avait remis. Il échangea quelques mots avec lui en retroussant ses manches et pointa du doigt la longue cotte que l’assistant portait.
    — Très mauvais pour travailler sur un plancher qui sera bientôt jonché de débris, dit-il.
    — Oui, maître, dit l’assistant, qui accepta le conseil même s’il ne venait pas de Gérard.
    Des projectiles continuaient à les atteindre de façon sporadique. Si les deux jeunes assistants en semblaient incommodés, Baillehache savait par expérience que cela n’allait pas durer.
    Avant même la fin de l’hymne, le greffier fit la lecture de la sentence.
    — En l’an 1358 de l’Incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en notre bonne ville de Paris, moi, Charles de Valois, par la grâce de Dieu régent de France, après en avoir délibéré avec mon conseil érigé en tribunal pour juger telle affaire, ai décidé ce qui suit…
    Le bourreau s’avança pour présenter le condamné aux gens. Ce qu’il fit lentement, respectant les pas chancelants du vieillard qu’il soutenait. Le héraut disait :
    — Ayant considéré les divers témoignages recueillis et les aveux du sieur Ruest, nous condamnons ledit Ruest…
    — Ce n’est pas vrai ! N’écoutez pas cela ! Il n’y a rien de vrai, j’ai cédé sous la torture ! cria Firmin en se laissant tomber à genoux aux pieds du bourreau, malgré son bras maintenu en l’air.
    –… Ainsi en a jugé notre régent Charles, fils de notre très sage, très puissant et très aimé souverain Jean, deuxième du nom. À présent, il convient que la sentence soit exécutée. Bourreau, faites votre office.
    Le regard perçant de Baillehache parcourut la foule et beaucoup, persuadés qu’il avait posé les yeux sur eux, en eurent un frisson. Firmin tremblait de la tête aux pieds et ses dents grinçaient. Un peu de sang brillait sur ses lèvres tuméfiées qu’il avait mordues. Une espèce de stupeur l’empêcha de voir Hugues et Clémence qui se tenaient au premier rang en vertu d’une permission spéciale et qui lui faisaient de tristes signes d’adieu. Il ne vit pas non plus la servante Desdémone qui était elle aussi auprès d’eux, entravée par des cordes et accompagnée d’un garde. Baillehache, lui, les avait tous remarqués.
    L’exécuteur souleva le condamné par le bras et annonça bien haut, comme c’était l’usage :
    — Quiconque cherchera à interférer dans le déroulement de cette

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