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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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blêmissait à vue d’œil.
    — Bonjour, petit, lui dit gentiment Antoine.
    Louis ne répondit pas. Son visage demeura complètement dénué d’expression. L’abbé jeta un regard interrogateur à Firmin, qui haussa les épaules.
    — Je vous l’avais dit.
    Antoine n’eut pas le temps de répliquer. Louis avait levé la tête et s’était descellé du mur. Il avait repéré le grand crucifix de bois qui était accroché derrière l’autel. L’espace d’une seconde, le masque blanc de son visage fut involontairement repoussé, juste le temps de dévoiler l’admiration craintive de cet enfant qui, somme toute, n’avait pas l’air aussi stupide qu’on le disait.
    — Il est beau, n’est-ce pas ? demanda juste derrière lui la voix du terrifiant personnage.
    — Oui, messire, dit Louis qui n’eût osé ni le contredire ni lui poser aucune question au sujet de l’effigie de cette victime qu’était Jésus.
    Antoine, quant à lui, tiqua imperceptiblement.
    — Tu dois dire mon père lorsque tu t’adresses à moi.
    — Oui, mon père. Pardon, mon père.
    — Il n’y a pas d’offense. Pourquoi donc trembles-tu comme ça ? Est-ce que je te fais peur ? demanda doucement le religieux, qui s’accroupit afin que son visage se retrouve légèrement plus bas que celui de l’enfant.
    Comme Louis gardait toujours les yeux baissés, il fut contraint de regarder le religieux.
    — Oui, mon père.
    — Tu n’as rien à craindre, voyons. Je ne te veux pas de mal. L’homme qui est mort sur la croix s’appelle Jésus. As-tu déjà entendu ce nom ?
    — Ils ne l’ont pas mis au gibet comme les autres ? dit Louis.
    Ce fut au tour du bénédictin de dévisager l’enfant. Il précisa néanmoins, usant du ton neutre d’un pédagogue :
    — Jésus a été mis à mort il y a très, très longtemps, dans un pays lointain. Connais-tu la Terre sainte ?
    — Non, mon père.
    — Ça ne fait rien.
    Antoine dut se redresser à cause d’une crampe dans un mollet. Il se rendit compte que Louis ne quittait presque pas sa poitrine des yeux. C’était plutôt gênant. Il ne pouvait pas se douter que c’était sa croix pectorale qui, avec son grand chapelet en noyaux d’olive polis et sculptés, attirait l’attention anxieuse du garçon.
    De son côté, Firmin attendait sans dire un mot, les mains derrière le dos. Louis jeta un coup d’œil dans sa direction. Il aurait aimé savoir pourquoi il lui fallait appeler cet inconnu mon père alors qu’il avait déjà un père. Firmin se contenta de lui offrir un sourire en coin. « Je dois me taire », se rappela l’enfant avec inquiétude.
    Un cierge crépita tout près d’eux et pleura une goutte de cire qui se figea sur le fer de son support.
    — Louis, as-tu entendu ce que je viens de dire ? demandait soudain la voix un peu impatiente de l’abbé.
    — Écoute un peu ce qu’on te dit, petit. L’abbé s’est dérangé pour toi, dit Firmin.
    — Pardon, mon père.
    — Aimerais-tu faire la connaissance du Seigneur Jésus ?
    — Oui, mon père.
    Antoine jeta un regard noir au boulanger, dont l’angoisse se réveilla. L’abbé demanda encore à l’enfant :
    — Te plairait-il d’aller à l’église tous les dimanches ?
    — Oui, mon père.
    L’abbé se redressa et se mit à parler durement à Firmin. Mais Louis n’en perçut que des échos informes. Père se faisait gronder. C’était une aberration. Jamais Louis n’avait vu pareille chose se produire. Il avait dit quelque chose qu’il ne fallait pas et il ignorait quoi au juste. Tout était sa faute. Sans bouger de sa place, les yeux abaissés sur les dalles fraîches de l’allée centrale, il se mordit la lèvre inférieure et se mit anxieusement en quête de son jardin pour se calmer.
    L’abbé se tourna de nouveau vers lui et lui posa une autre question avant qu’il n’ait eu le temps d’y porter attention. Il ne la comprit pas et n’osa pas ouvrir la bouche. La peur lui fouaillait les entrailles : l’abbé fronçait les sourcils. Il semblait fâché, et pourtant Louis faisait tout son possible pour ne pas lui déplaire. Les mots qu’Antoine disait ne voulaient plus rien dire ; seul comptait l’instant où la main de l’homme allait empoigner la corde qu’il portait au cou pour la passer autour du sien. Louis s’apprêtait à être pendu et il ne pouvait rien y faire.
    Au lieu de cela, le personnage en robe noire s’accroupit de nouveau devant lui.
    — Il y a

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