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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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toutes sortes de belles choses à découvrir ici, en ces murs mêmes. Nous pourrions aussi t’apprendre à lire et à chanter. Aimerais-tu cela ? demanda Antoine avec une douceur inespérée.
    — Oui, mon père.
    « Sale petite vermine », songea Firmin. Mais le moine continua, un peu intrigué par le regard inexpressif de l’enfant, qui était toujours fixé sur sa poitrine :
    — Aimes-tu les figues ?
    — Oui, mon père.
    « Il n’a jamais goûté à une figue de sa vie », se dit Firmin.
    — Ton père te bat-il souvent ?
    — Oui, mon père.
    — Hé, ho, ce n’est pas vrai, ça ! dit le boulanger qui étendit la main en s’alarmant une nouvelle fois.
    Antoine ne s’en soucia aucunement et demanda encore :
    — J’ai une belle souris dans ma poche. Tu la veux ?
    — Oui, mon père.
    — Mercredi, nonante, gingembre et tourne en rond ?
    — Oui, mon père.
    L’abbé soupira tristement. Sans doute valait-il mieux en rester là.
    — C’est bon. Allons voir ta mère.
    Il se releva et ébouriffa les cheveux de Louis qui ne bougea pas. Antoine dit :
    — Pardonne-moi, Firmin. Tu avais raison. Permets-moi au moins de le bénir.
    Le boulanger crut défaillir tant il était soulagé. Il ne fut que plus réjoui encore de constater que Louis venait d’uriner par terre. Tête baissée, parfaitement immobile, ce dernier regardait d’un œil morne la flaque qui s’agrandissait sur les dalles et dans laquelle baignaient ses sabots neufs.

Chapitre II
    Petit pain
    Paris, automne 1340
    La bande à Hugues n’avait pas tardé à trouver un substitut à Louis en tant que bouc émissaire. Chaque jour vers la même heure, le groupe traînait dans les environs de la rue des Cordèles {20} , où l’infortunée victime pensionnait aux frais du roi. Et, chaque jour, celui que l’on surnommait Sans-Croc se faisait tomber dessus. Âgé de plus de trente ans, Sans-Croc n’avait pas été choyé par la vie. Très jeune il avait été atteint d’une maladie osseuse qui l’avait tout tordu et lui avait fait perdre ses dents, si bien qu’il avait l’air d’un vieillard prématuré. Malgré sa grave déficience mentale, il supportait toujours avec une amertume résignée les moqueries des gens du quartier les rares fois où, pour une raison ou une autre, il était obligé de pointer le bout du nez dehors.
    En cette fin de journée frisquette, Sans-Croc se fit coincer près du tristement célèbre hôtel de Nesle {21} .
    — Hé, regardez-moi ça, dit Aubert la Gargouille en tirant de la besace volée à Sans-Croc une bouteille de vin gris.
    — Pas mal, comme butin, dit Hugues.
    Assis sur des marches, oublié du groupe, Sans-Croc les regardait d’un air malheureux. Les voyous débouchèrent la bouteille et burent chacun une rasade. Hugues claqua la langue.
    — En voilà, du bon vin, pour une mauvaise tête comme la tienne, Sans-Croc. Il ne nous reste plus qu’à trouver de quoi souper et on sera heureux.
    — Y a pas un croûton là-dedans, bougonna Samson, la toute dernière recrue de la bande qui était presque un nain. Ho ! voyez un peu qui vient par là.
    Hugues se tourna dans la direction indiquée et secoua la tête.
    — Ah non… Pas lui. Restez ici.
    — Mais son panier doit être plein de pain frais !
    — Et de galettes, dit Aubert.
    — Je le sais et j’ai aussi grand-faim que vous. Mais on touche pas au Ratier.
    — Ce brèche-dent n’a même pas dix ans et tu en as peur ? En plus, j’ai ouï dire qu’il est pareil à ce benêt de Sans-Croc.
    — J’en ai pas peur, dit Hugues. On voit bien que t’es nouveau dans le coin, toi, Samson. Benêt ou non, vas-y un peu te frotter à lui. Tu verras comme il cogne fort.
    À regret, ils laissèrent donc Louis approcher puis dépasser leur groupe sans intervenir. La nuit tombait et les patrouilles de guet nocturne avaient commencé à arpenter les rues, lanterne à la main. À partir du couvre-feu, elles veillaient à la sécurité de la ville endormie et interceptaient tout traînard d’allure suspecte, tandis que d’autres guetteurs étaient affectés aux remparts afin de prévenir toute attaque.
    Louis ne regarda pas Hugues. Il se contenta de passer en laissant tomber quelque chose à ses pieds d’une façon si discrète que cela faillit passer inaperçu. Le fils du boulanger posa un regard franc sur Sans-Croc. Les commissures de ses lèvres se retroussèrent. C’était peut-être un sourire de connivence ; mais

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