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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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cela. Eh bien, Adélie est tirée d’affaire. Je suis persuadé que le Seigneur vous bénira à nouveau.
    — Ouais.
    — Ne tiens-tu pas à savoir comment elle va ?
    — Oh, si, bien sûr. Mais je me demande pourquoi elle tient tant à venir se faire soigner ici plutôt qu’à l’Hôtel-Dieu ou même à Saint-Côme et Saint-Damien. La rue des Cordeliers est tout près de chez nous et leur église est votre censive. Ils ont pourtant tout ce qu’il faut là-bas.
    — Et tu risquerais moins d’y faire des rencontres indésirables, n’est-ce pas, Firmin ?
    L’ivrogne esquiva la question en se passant la langue sur les lèvres et en prenant un air contrit qui ne lui allait pas. Antoine dit :
    — Bon, passons. Ton fils, maintenant.
    Firmin se tassa davantage contre la cloison du confessionnal, comme s’il cherchait à se protéger d’une averse. L’instant qu’il redoutait depuis sept ans était arrivé. Ce n’était pourtant pas la première fois que l’abbé lui parlait du petit, loin de là. Mais jamais auparavant Antoine n’avait réclamé la présence de Louis qu’il n’avait d’ailleurs qu’entrevu depuis sa naissance. Maintenant, il fallait à tout prix que Firmin trouve une raison qui justifie sa négligence passible d’excommunication. Quel intérêt avait-il de se faire confirmer que le boulanger ne voulait simplement pas de Louis dans ses murs, ni même à l’église ? En effet, il craignait plus que tout de devoir l’y laisser, qu’on en fasse un moine ou un enfant de chœur {17} . Antoine comprenait cette réticence devant ce qui pouvait contraindre le boulanger à faire au monastère un don substantiel, en plus de le priver d’un soutien dont il ne pouvait actuellement se passer.
    — C’est un simple d’esprit, mon père. Il n’a pas plus d’âme à sauver ou à damner qu’une bête.
    — Laisse-moi le soin d’en juger par moi-même, tu veux bien ? D’après ce que j’en sais, tout lent qu’il soit, il t’est quand même d’un précieux secours à la boutique, n’est-ce pas ?
    — Bien, euh…
    — Or, toi, bien entendu, tu refuses de l’admettre. Cela dit, tu n’as aucune raison valable de le priver d’éducation.
    — Comment voulez-vous que je lui enseigne quoi que ce soit ? Ce n’est pas que je le prive, c’est lui qui ne comprend rien. Les gens me trouvent trop dur avec lui, ça, je le sais. Eh bien, moi, j’ai pour idée que « peu d’enfants périssent par excès de sévérité, mais beaucoup par excès d’indulgence ».
    — N’aie pas la prétention de me citer Philippe de Novare, Firmin, c’est vraiment malencontreux. Je connais cet écrivain mieux que toi et cet air docte que tu te donnes ne te va pas du tout. Cela dit, je dois admettre que tu es habile : s’il préconise bel et bien une éducation stricte, Novare affirme aussi que Dieu a fait à l’enfant trois dons : primo, aimer et reconnaître celle qui lui donne le sein, secundo, témoigner joie et amour à ceux qui jouent avec lui et, tertio, inspirer l’amour et la tendresse à ceux qui l’élèvent.
    — On voit bien que c’est pris dans un livre, tiens. Parce que ça a l’air facile, dit comme ça…
    L’abbé continua, comme s’il n’avait pas été interrompu :
    — Vois comme l’amour fait partie de chacune de ces paires.
    — Ouais. Sauf que moi, je ne suis guère du genre à cajoler, surtout pas ce benêt de…
    Il s’interrompit en se rendant compte que l’abbé le dévisageait. Il corrigea :
    — De l’amour, je vous demande un peu !
    — Mais si, de l’amour. Car je crains fort qu’en sevrant ainsi l’enfance de tendresse notre génération ne finisse par produire des adultes qui ne feront pas plus de cas des autres que l’on en aura fait d’eux pendant leur croissance.
    Firmin haussa les épaules.
    — Il s’en fout déjà pas mal, des autres.
    — Cette façon que tu as de le dénigrer est en soi répréhensible. Mais ce n’est pas tout. Il y a pire. Cet enfant est presque un païen. Nul ne le voit jamais assister aux offices, ni même à la messe dominicale. Pourquoi le prives-tu ainsi des bienfaits de la foi ?
    — Il ne comprend rien à la religion, mon père. Vous savez, j’ai bien essayé de l’amener à l’église. Mais il se pâme toujours avant d’arriver. Songez donc que j’ai deux malades sur les bras, moi. Je fais ce que je peux.
    — Hum ! fit dubitativement le bénédictin, qui n’avait pas vraiment besoin de

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