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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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homme.
    — Mais je ne veux pas devenir un grand homme. Je veux juste être un très bon boulanger. Et puis, où que j’aille, je veux que vous veniez avec moi. Je vous protégerai toujours. C’est promis.
    — Advienne que pourra. Tu sais, un jour sera peut-être où tu n’auras plus envie de m’avoir tout le temps auprès de toi. C’est normal quand on grandit. Tu vas vouloir vivre ta vie à toi. Tu vas avoir des amis, tu épouseras une jolie fille.
    — Vous croyez ?
    — Mon plus cher désir est que tu sois heureux, mon garçon. Même si dans la vie il faut espérer le meilleur, se préparer au pire et prendre ce que Dieu nous envoie.
    Ils regardèrent le ciel étoilé en silence. Le papillon de nuit passa trop près de la chandelle et en fit palpiter la flamme. Il ne reparut pas.
    Soudain, l’obscurité se mit à vibrer : le premier coup de cloche annonçant matines* à Notre-Dame venait de mettre fin au repos dominical. C’était le signal qu’attendaient tous les boulangers de la ville pour rallumer leur four {22} .
    Adélie ramassa la chandelle et laissa Louis refermer la porte de l’ouvroir derrière eux. Ils traversèrent la maison et la petite cour pour s’enfermer, tout heureux, dans le bâtiment de la cuisine.
    Louis savait déjà comment fabriquer tout seul des pâtisseries assez simples. Cependant, Adélie lui avait interdit de s’occuper du four sans l’assistance d’un adulte. Ce beau four en maçonnerie irréprochable avait été la fierté du père de Firmin, qui en avait fait l’acquisition. La boulangère s’occupa du feu. Louis allait se charger de cuire de délicieux matefaims avec la préparation qu’il avait faite et mise au repos avant d’aller au lit quelques heures plus tôt : les œufs et le lait qu’Adélie avait achetés au marché la veille à l’insu de Firmin, mélangés à un peu de leur précieux levain, à de la farine et à du miel. Cette mixture d’un appétissant jaune doré allait donner des crêpes épaisses, à la fois légères et très nourrissantes, qui allaient les sustenter toute la journée. C’était un véritable festin.
    Adélie tira une pierre chaude hors du four et la remplaça par une autre. Elle s’assit devant un pichet de cidre. Louis versa un peu de la préparation sur la pierre. La pâte y grésilla, et de petites bulles se formèrent sur le dessus en sifflant. Il ne fallut que quelques minutes pour que la gourmandise affiche, suite à l’intervention d’un habile coup de spatule, son ventre d’un beau brun doré.
    — J’en ai l’eau à la bouche juste à voir cela, dit Adélie. Je mangerais bien une douzaine de tes crêpes à moi toute seule. Tu les fais si bien.
    Louis rougit de plaisir et se jura d’avoir suffisamment de préparation pour faire douze crêpes à sa mère, dût-il pour cela s’en faire discrètement de plus petites.
    Assis du bout des fesses sur des tabourets mis côte à côte, ils déjeunèrent, leur tranchoir de bois posé sur le large rebord de la fenêtre. Leur bonheur ressemblait au miel doré et à la lumière de la chandelle à nulle autre pareille. La bouche pleine, ils chantèrent et se racontèrent des histoires sans queue ni tête, émaillées de fous rires.
    La pile de matefaims avait disparu, et ils chantaient encore.
    L’amour de moi s’y est enclose
    Dedans un joli jardinet
    Où croît la rose et le muguet
    Y aussi fait la passerose.
    Ce jardin est bel et plaisant
    Il est garni de toutes flours
    On y prend son ébattement
    Autant la nuit comme le jour.
    Hélas il n’est si douce chose
    Que de ce doux rossignolet
    Qui chante au soir au matinet
    Quand il est las il se repose {23} .
    — Il commence à faire assez chaud dans le fournil. Nous pouvons bluter, dit Adélie.
    En effet, la température devait maintenant avoisiner les trente degrés Celsius, ce qui était idéal pour que la pâte lève bien. Adélie avait pris soin, la veille au soir, de faire le compte des commandes afin d’estimer la quantité de pain à confectionner et de savoir à quelles variétés donner la priorité. Il fallait éviter le plus possible d’avoir des restes. Le lundi était l’une des plus grosses journées de la semaine, la plupart des gens n’ayant pu acheter de pain, sauf s’ils en avaient acquis de la veille sur le parvis de Notre-Dame. Adélie devait également tenir compte du temps qu’il faisait, car la température du dehors avait aussi un impact sur leur travail, tant au niveau de la

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