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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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bain* ; de plus, ils avaient pu s’étendre dans des lits aux matelas de coton où deux dames étaient venues les oindre d’huile parfumée ; après quoi elles leur avaient servi une collation arrosée d’hypocras*, et des musiciens étaient venus leur proposer de jouer leurs airs préférés. Chose surprenante, Firmin n’avait rien dit lorsque Louis avait spontanément réclamé sa chanson favorite qui s’intitulait L’Amour de moi .La belle dame qui s’était occupée de lui avait eu la discrétion de ne pas le questionner sur la présence des marques fraîches dans son dos. Ses doigts avaient fait en sorte de les éviter le plus possible sous le regard scrutateur du père qui les avait observés depuis le lit voisin. Même si l’huile parfumée avait rallumé la brûlure de sa punition, le vin sucré qui lui avait été donné à goûter et le fait que la dame s’était adressée à lui comme s’il avait été un garçon ordinaire avaient largement compensé ce petit désagrément.
    Louis fut ramené au présent par l’église abbatiale qui se dressait devant lui. Puisque son père semblait en avoir pour un bon moment, il décida d’aller jeter un coup d’œil à l’intérieur.
    C’était impressionnant, mais d’une manière plus dépouillée qu’à Notre-Dame. Depuis le fond des âges, cet édifice subjuguait le fidèle par l’écho des antiques répons dont la vénérable présence était demeurée perceptible comme celle d’un encens oublié par le temps, entre les arches massives de sa section romane. Le chœur gothique plus récent y superposait chaque jour les mêmes hymnes chantés par des voix nouvelles. L’on ne pouvait entrer dans cette église sans ressentir l’impression qu’elle avait concentré en ses murs près de mille ans de foi chrétienne. On eût dit que les images étaient sur le point de s’animer dans ses vitraux qui brillaient de tous leurs feux. Il y en avait de tout simples, véritables gemmes dans les fenêtres arrondies. Ceux-là étaient faciles à comprendre. Ceux des fenêtres à bout pointu étaient trop élaborés. Louis s’arrêta près d’un vitrail ancien, d’une maîtrise parfaite, qui devait bien dater de trois siècles. Les oxydes métalliques ajoutés à la matière en fusion pour colorer le verre dans la masse y étaient simplifiés à l’extrême, car les derniers perfectionnements techniques en étaient absents. Pourtant, on pouvait déjà y discerner le talentueux usage des couleurs : cuivre pour le rouge et le vert, cobalt pour le bleu, antimoine pour le jaune, manganèse pour le pourpre. La feuille de verre, cette matière vivante, avait été obtenue par deux différents procédés de soufflage. Elle avait été découpée au fer rouge et peinte à la grisaille*. L’artisan l’avait enfin mise en plomb selon un modèle préalablement tracé sur une table blanchie à la craie. Et ce travail-là, des siècles plus tard, continuait à produire un merveilleux miracle sous le soleil. Les fenêtres du chœur et des transepts, elles, affichaient leurs réseaux de plomb et des motifs plus denses qui frôlaient la saturation. Les inscriptions noires qui y figuraient ressemblaient à de gros insectes. Les maîtres verriers de jadis avaient savamment exploité les ressources des phénomènes optiques : l’humeur d’un même rouge, sombre lorsqu’il était entouré de jaune ou de pourpre clair, devenait passionnée au voisinage du bleu et du vert. Grâce à ce seul effet, un vitrail changeait d’aspect selon qu’on le contemplait de la nef ou du chœur.
    Louis s’approcha davantage du vitrail roman. Il représentait un bélier dont les cornes s’étaient prises dans des ronces. À droite se tenait un vieil homme avec un poignard et à gauche un garçon voûté par le poids des fagots qu’il portait sur son dos {19} . Le fond rouge du vitrail était saisissant. Louis leva un peu la main, et une couleur chaude, magique, se communiqua à sa peau.
    — Ah, te voilà, toi.
    L’enfant sursauta. Il fut rejoint par son père, accompagné de celui qui ne pouvait être que l’abbé, car l’homme en robe noire serrait dans sa main un long bâton. Terrifié, Louis recula contre le mur. Firmin dit :
    — Où étais-tu passé ? On t’a cherché partout. Je t’avais pourtant averti de ne pas bouger.
    — Laisse, laisse, Firmin. C’est sans importance, puisque nous l’avons retrouvé.
    — Je suis désolé, bafouilla Louis, dont le visage

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