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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne-Laure Morata
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rassurer, l'enlaça tendrement, enveloppant son corps tendu contre le sien tout en la faisant rentrer.
    – Ne vous alarmez pas, ma douce, tout s'est bien passé, simplement sur le chemin du retour nous avons décidé qu'il irait faire le point avec notre ami Belfond avant que nous ne décidions de la conduite à tenir car…
    – Cela n'a pas d'importance… il faut qu'il revienne sur l'heure !
    Surexcitée, pâle, Louise n'arrivait pas à trouver ses mots et, nerveusement, elle saisit la main de son époux pour l'entraîner à l'étage. Arnaud, inquiet, comprit qu'un incident majeur venait de se produire et, songeant immédiatement à l'état defaiblesse d'Henri, se précipita à sa suite vers les appartements du vieillard.
    Aux Trois Portes, où François venait de faire son entrée, l'accueil fut autrement chaleureux. Lescoffier, le patron, en le voyant arriver, s'empressa de demander où en étaient les recherches.
    – Rien de nouveau, Simon, mais je crois savoir à qui j'ai affaire. Pas de traces du Crochu ?
    Le tavernier hocha négativement la tête avec une petite mine contrite. À vrai dire, François s'y attendait. Il embrassa du regard les tables de l'établissement uniquement occupées à cette heure par le nombre succinct des pensionnaires des chambres de l'étage, laissant aux brus de Simon tout le loisir de s'occuper en cuisine de la préparation des repas du déjeuner dans une ambiance bon enfant où les rires fusaient. Le cadet des fils profitait de son côté du calme de ce début de matinée pour accrocher en hauteur, derrière le comptoir, des jambons et saucissons de pays destinés à faire le régal de la clientèle du midi.
    – D'après vous, Belfond viendra-t-il aujourd'hui ?
    – Ah ça, cela m'étonnerait fort. Depuis qu'il a trouvé sa bourgeoise, il délaisse ma table, répondit Simon d'un air faussement navré.
    François s'égaya un peu en songeant au bonheur tout neuf du brave homme. Il n'avait pas encore croisé l'objet de sa flamme : le professeur aurait été ravi de lui faire connaître l'élue de son cœur mais les derniers événements n'avaient guère laissé de place aux mondanités. Il décida de se rendre à l'adresse indiquée par l'amoureux transi, celle de l'échoppe de sa mercière adorée où il était persuadéde le trouver, ses cours ne commençant qu'en début d'après-midi.
    Il ne se trompait pas. La boutique n'était pas grande, quoique cossue, avec une vendeuse avenante, délaissant les étoffes qu'elle disposait pour lui proposer son aide. François lui demanda si la patronne était là et l'employée acquiesça tout en se précipitant vers l'arrière du magasin.
    – Madame Boniface, Madame Boniface, on vous réclame…
    Aussitôt une petite dame brune aux mèches grisonnantes, pimpante, habillée avec une élégance non tapageuse, apparut de derrière une tenture et les rejoignit, affichant un air courtois et serein. François comprit en plongeant dans ses doux yeux le réconfort qu'on pouvait y trouver : celui d'une femme qui a vécu et qui sait toujours s'enthousiasmer, le genre de personne à savoir révéler chez son prochain ce qu'il a de meilleur. Elle exécuta une révérence discrète et François se découvrit en retour tout en se présentant. À l'énoncé de son patronyme, le sourire de la mercière s'élargit.
    – Je suis ravie de vous rencontrer, je suppose que vous êtes à la recherche de Monsieur Belfond.
    D'un geste gracieux elle désigna l'arrière-boutique d'où le professeur identifiant le timbre de François émergeait avec empressement. Pipe à la bouche et journal en main, il les rejoignit, ravi de pouvoir exhiber sa tendre amie et à vrai dire pas peu fier de se montrer à son bras. Madame Boniface, une fois quelques paroles d'amabilité échangées de part et d'autre, s'éloigna pour ranger une pile de boîtes à aiguilles pourtant alignées avec soin et neparut pas surprise lorsque Belfond annonça qu'il devait discuter avec François en privé.
    – Montez donc à l'étage vous y serez mieux, indiqua-t-elle.
    Son compagnon souleva la tenture dévoilant à François un entresol débouchant sur un étroit escalier qui permettait de gagner le logis de leur hôtesse où il avait manifestement ses habitudes. François l'y suivit et s'assit à la table au centre de la pièce, amusé de constater les efforts de Belfond pour ramasser les affaires qui prouvaient qu'il avait passé la nuit chez sa mie. Rougissant comme un adolescent, le

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