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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne-Laure Morata
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et lui adressa un coup d'œil complice :
    – Le célibat ne vous manquera pas.
    Sans attendre de réponse, il quitta Belfond qui arborait un sourire radieux en se lissant les moustaches. En traversant la boutique il s'inclina devant Madame Boniface dont l'air bon et chaleureux le conforta dans l'idée qu'il y avait certainement bien du bonheur à être l'élu d'une telle femme. Il récupéra sa monture qu'il avait attachée devant la mercerie et prit le chemin de l'hôtel familial.
    Les rues de Paris étaient bondées et François se laissa bercer par leur joyeuse cacophonie, mélange des appels des différents marchands ambulants vantant leurs marchandises, cris des animaux qu'on menait au marché ou à l'abreuvoir avec en écho ceux de leurs convoyeurs, éclats de rires des garnements profitant du beau temps… Il allait s'engager dans une avenue lorsqu'une clameur d'un genre différent retint son attention. Dans une venelle adjacente, un groupe d'hommes déjà avinés de bon matin avaient choisi de tuer le temps en s'en prenant au premier venu qui aurait le malheur de leur déplaire et le sort était tombé sur un frêle garçon élégamment mis et à l'apparence efféminée qu'on accusait avec mauvaise foi d'avoir frôlé l'une desbrutes. L'infortuné passant avait beau arguer de son innocence et présenter ses excuses, rien n'y faisait.
    – Tu vas morfler, sale sodomite, beugla le chef de la bande, se réjouissant d'avance d'en découdre à dix contre un.
    Il allait asséner le premier coup à sa malheureuse victime poussée au sol quand un sifflement aigu stoppa net son geste : un seigneur, tiré à quatre épingles, épée sur le côté, arrivait d'un pas tranquille, apparemment ravi de ferrailler de bon matin.
    – Attendez-moi, mon brave, avant d'entamer les hostilités, s'exclama-t-il avec ardeur.
    Sous l'œil ahuri des poivrots, il s'interposa devant leur proie, lui offrant protection de toute sa mince mais athlétique stature de bretteur aguerri puis, avec nonchalance, sortit son arme de son fourreau et prit position, résolu à se battre.
    – Allons-y, messieurs…
    Son attitude pleine de panache ne fut pas goûtée à sa juste mesure par la douzaine d'énergumènes qui s'avançaient en sortant leur couteau, prêts à s'abattre sur celui qui crânement leur faisait face. François n'appréciait guère un rapport de force aussi inégal et s'approcha pour intervenir quand il reconnut l'audacieux gentilhomme en la personne du comte de Lagne, son hôte lyonnais, époux de la belle Italienne qui lui avait sauvé la mise lorsque, avec Arnaud, grièvement blessé, ils s'étaient enfuis des galères. Pendant que de Lagne, d'une habile botte, désarmait son premier assaillant en le propulsant sur les autres malotrus, François se dépêcha d'attacher son cheval et alla se placer à sa droite, en renfort. Remarquant le chevalier qui lui prêtait main-forte, l'intrépide duelliste le salua d'un :
    – De Rohan Montauban, ravi de vous revoir mon cher… Terminons-en avec ces Messieurs avant que je ne vous conduise présenter vos hommages à Gabriela.
    À eux deux, ils réussirent à mettre en déroute la troupe d'ivrognes qui, au premier sang versé, comprenant que les deux aristocrates ne renonceraient pas, aima mieux déguerpir avant l'arrivée de la milice du guet.
    Un peu dépité de ne pouvoir en embrocher un ou deux, de Lagne alla relever leur souffre-douleur toujours à terre et l'aida à épousseter sa redingote tout en lui enjoignant d'éviter ce quartier à l'avenir ou du moins d'être armé. Le jeune garçon déversa un flot de remerciements avant de s'esquiver sous le regard circonspect de son sauveur.
    – Mignon, quoique manquant cruellement d'estomac… Ah, mon cher François, la vie n'est pas tendre avec ceux qui dérogent à la norme… Venez, allons rejoindre Gabriela, elle se charge d'alléger ma bourse dans une boutique voisine.
    François lui emboîta le pas, enchanté de revoir l'épouse de cet individu iconoclaste, jaloux comme un tigre d'une conjointe qu'il adorait sans jamais en partager la couche puisqu'il préférait la gent masculine. Gabriela, aussi ravissante que dans son souvenir, fut extrêmement heureuse de le revoir et, ayant appris le malheur qui le frappait par le biais de son amie Ninon de Lenclos, y fit une allusion discrète pour l'assurer de son soutien. Le gentilhomme qui n'ignorait pas sa répugnance à aborder tout sujet fâcheux lui en fut redevable tout en ne

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