Le jeu de dupes
défendant fort bien tandis que Louise pouponnait, permettant à Jeanne de se reposer pendant qu'à l'étage Nolwenn examinait avec émotion chaque affaire de Violette. Après avoir trouvé un nécessaire à coiffure, des livres et des bijoux sans grande valeur, elle avait étalé sur son lit les toilettes restant dans la malle, imaginant sa cousine dedans. L'une d'entre elles avec ses couleurs chatoyantes retint son attention et elle la serra contre son cœur en pensant à la défunte. Elle fut étonnée de ressentir une légère piqûre quand elle la pressa contre son visage à la recherche d'un effluve de parfum et constata que quelque chose avait été cousu dans la doublure. Précautionneusement elle en défit les fils avec des ciseaux à couture pour finir par dégager un carnet écorné dont Violette avait noirci les pages d'une écriture saccadée. Elle se mit à en parcourir le contenu, happée par les mots qui dansaient devant ses yeux. Subitement elle porta une main à sa bouche pour réprimer le cri d'horreur et de colère qui l'envahit en comprenant ce qui y était décrit. Elle se précipita au rez-de-chaussée pour en faire part à François. Elle fit irruption en brandissant le calepin dans le grand salon sous le regard stupéfait des joueurs d'échecs.
– Où est François ? Il faut que je lui parle immédiatement !
Attirée par le bruit de sa cavalcade dans l'escalier, Louise quitta la nursery et les rejoignit.
– Gervais m'a dit qu'il est allé faire une balade à cheval. Ne vous alarmez pas il rentre tout à l'heure. Que se passe-t-il ? Vous paraissez bouleversée…
Incapable de trouver ses mots, Nolwenn se contenta de donner le carnet au professeur en lui enjoignant de le lire à haute voix. Belfond s'exécuta, légèrement inquiet, sentiment qui s'accrut au fil de sa lecture et qui les figea tous au fur et à mesure que le calepin livrait ses secrets. Gervais, qui suivait sa maîtresse, s'arrêta interdit à l'entrée de la pièce et déglutit avec difficulté en entendant la fin. Nolwenn était dans un tel état de nerfs que Louise l'entraîna à l'étage pour tenter de l'apaiser. Le valet attendit que les deux jeunes femmes soient parties pour fondre sur le professeur.
– Monsieur, il faut absolument prévenir le baron de Saldagne, je crains que mon maître ne coure un grand danger.
Et il raconta la visite du mendiant et l'étrange message qu'il avait délivré. Malo réagissant au quart de tour s'empara du carnet et fonça à l'écurie seller un cheval pour filer ventre à terre au palais chercher Arnaud. Belfond, resté seul avec Gervais, s'arrachait nerveusement les poils de la moustache.
– Seigneur, je vous en supplie, sauvez-le, il n'a pas idée du danger qui le guette… Nous avons été manipulés par un être diabolique. Mon Dieu, nous lui avons servi la victoire sur un plateau, soupira-t-il, accablé.
Le domestique, plongé dans le même état d'abattement que son interlocuteur, ne remarqua même pas Perceval qui, angoissé par la tension régnant dans la pièce, sollicitait une caresse.
18
Fin septembre 1651 (suite)
François avait trouvé sans difficulté le hameau de la Pierre fendue et l'ancienne maison du meunier dotée d'un vestige de moulin, à l'écart des autres masures. Il était passé devant et seule une légère fumée s'échappant du toit révélait une présence à l'intérieur. Il avait continué son chemin jusqu'à repérer un estaminet ne payant pas de mine où les gens du coin se rassemblaient après une dure journée de labeur. En plein milieu de l'après-midi, il n'y traînait pas grand monde et François en profita pour discuter avec le tavernier. Après avoir copieusement insulté Mazarin et ri de l'exilé, les deux hommes parlèrent de tout et de rien, le chevalier laissant le patron poser ses questions en se contentant d'y répondre.
– Et qu'est-ce que vous venez donc faire de par chez nous ?
– Je suis palefrenier chez un aristo de la porte d'Orléans, le marquis de la Tréyère. Ma mère y était également chambrière mais elle vieillit et notre maître lui a donné de quoi s'acheter un petit lopin de terre. Elle veut quitter Paris et sa puanteurcependant elle voudrait rester proche de son fils. Alors me voilà sur les routes à visiter les patelins avoisinants pour chercher une maison à acheter. Vous qui connaissez le coin, y aurait-il un bien à vendre dans les parages ?
Le cafetier énonça deux ou trois possibilités.
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