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Le jeu de dupes

Le jeu de dupes

Titel: Le jeu de dupes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne-Laure Morata
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donner.
    Nolwenn sourit à sa belle-sœur, appui précieux depuis leur retour à l'hôtel Bessières, qui avait su se rendre indispensable en parvenant à respecter l'intimité des jeunes parents et en jouant parfaitement son rôle de tante heureuse de pouvoir aimer ces enfants avec l'espoir d'être un jour en mesure d'en serrer un bien à elle.
    Ninon sortit à ce moment-là les superbes tasses en argent massif qu'elle avait fait graver auxprénoms des poupons et les offrit à Nolwenn, provoquant à nouveau une cascade d'exclamations et de rires sous l'œil amusé de ces messieurs assis un peu plus loin.
    François regardait sa femme épanouie et resplendissante en savourant son bonheur : depuis la naissance des jumeaux, ses doutes s'étaient évaporés et il éprouvait pour eux un attachement viscéral, puissant, qui l'étonnait parfois tout en le remplissant de fierté. Paradoxalement, le fait de devenir père l'avait rassuré sur son identité et il se sentait dorénavant pleinement Chevalier de Rohan Montauban, chef de famille et prêt à en assumer les responsabilités. Au souvenir de la joie d'Henri, son père, quand il avait vu pour la première fois ses petits-enfants, ses yeux s'embuèrent. Le vieillard avait pleuré de joie devant cette promesse éclatante de la continuité de sa lignée et ordonnait depuis à Gervais, dès son réveil, de le conduire à la nursery pour admirer les bébés dormir. François et Louise savaient sa fin imminente mais c'était un grand-père heureux qui s'en irait et cela les aidait à accepter sa disparition prochaine.
    – François, vous posez une question sans en écouter la réponse, nota avec amusement Belfond en tirant joyeusement sur sa pipe devant l'embarras du gentilhomme.
    – Que voulez-vous, professeur, la politique ne peut rivaliser avec nos deux merveilles, renchérit Arnaud qui donna une vigoureuse tape dans le dos à son beau-frère, ce qui fit sourire Malo, plutôt silencieux en présence de ses aînés, habitué à écouter attentivement leurs discussions concernant les affaires publiques.
    – Je vous prie de m'excuser, veuillez reprendre, je vous suis à présent avec attention.
    Leur conversation tournait autour du devenir de Mazarin et de son éventuel retour suite à l'avènement au trône du jeune Louis XIV. Le sept septembre dernier, celui-ci avait en effet été déclaré majeur au Parlement devant l'assemblée au grand complet où seul le prince de Condé brillait par son absence, ayant préféré faire porter par son frère Conti un courrier à son suzerain qui l'avait, sans même y jeter un regard, confié avec dédain à Villeroy signifiant par ce geste l'irrévocabilité de leur antagonisme. Dans son habit de soie surchargé de broderies dorées au point qu'on ne pouvait plus en deviner la couleur initiale, monté sur un barbe isabelle couvert pour la circonstance d'une housse parsemée de croix du Saint-Esprit et de fleurs de lys dont il maîtrisait à la perfection le tempérament fougueux, Louis avait traversé la haie d'honneur formée par ses gardes depuis le Palais-Royal. Sous les vivats d'une foule en délire amassée jusque sur les toits pour acclamer son monarque de treize ans, subjuguée par sa prestance, sa beauté, ravie de le voir chapeau virevoltant à la main pour saluer ses sujets. L'adolescent avait précédé toute la noblesse de France parée de ses plus beaux atours, suivi de près par le carrosse d'Anne d'Autriche assise en compagnie de son puîné et de Gaston d'Orléans. Son heure était enfin venue : il était désormais investi de l'intégralité de l'autorité royale et comptait bien en user.
    – Je disais, reprit avec bonhomie Belfond, que le cardinal ne tardera certainement pas à foulerle pavé parisien. La déclaration du cinq septembre confirmant son bannissement définitif n'était qu'un leurre destiné à empêcher le prince de troubler la cérémonie pareillement à l'amnistie qu'on lui a accordé. Le roi et sa mère auront besoin de ce fidèle conseiller pour mater Condé.
    À l'énoncé de ce nom honni, le visage de François se contracta. Sa rancune restait tenace malgré le départ de son ennemi. Le rebelle s'était éclipsé avant la proclamation de la majorité du dauphin pour rallier Bourges en dépit de la tentative du duc d'Orléans pour le retenir, tentative brouillonne à son image, ayant échoué suite à une erreur sur le lieu de rendez-vous.
    – Cet énergumène ne reculera décidément

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