Le jeu de dupes
devant rien… Notre royaume, déjà affaibli, va plonger par sa faute en pleine guerre civile, jeta-t-il avec hargne. Et notre roi est bien jeune pour réussir à le contrer.
– Certes, mais notre suzerain est d'une trempe d'acier, et s'il accepte la réapparition de Mazarin à ses côtés, ce ne sera que pour pouvoir abattre cet adversaire de taille, répondit Arnaud.
– S'il accepte… Vous en doutez ? demanda le professeur.
– S'il avait le choix, jamais il ne rappellerait un mentor qui, revenu au pouvoir, gouvernera à sa place. Cependant, il a l'intelligence de reconnaître qu'il ne pourra gagner sans son appui… Je préférerais voir Mazarin aux commandes pour traverser ce nouveau conflit. Les Espagnols sont à l'affût, seul un homme d'expérience de son acabit pourra nous éviter le pire… Et puis, le comportement de notrejeune roi, je l'avoue, m'inquiète parfois, conclut Arnaud en baissant la voix. Son impétuosité a besoin d'être modérée.
Le baron de Saldagne énonçait pour la première fois ses craintes. Depuis le lit de justice officialisant la majorité du roi, il avait vu le changement d'attitude de Louis et sa volonté d'écraser tous ceux qui ne lui manifestaient pas une déférence absolue, n'hésitant pas à faire fouetter son frère pour une peccadille ou à congédier une suivante pour une révérence pas assez prompte à son goût. Arnaud percevait les tendances tyranniques du monarque sous son apparence juvénile et il préférait voir revenir à la tête du conseil l'illustre prélat au tempérament mesuré dont le savoir-faire permettrait de trouver les compromis souhaitables pour le royaume.
– Le cardinal l'apaisera, assura Belfond. Il sera bientôt de nouveau aux manettes de l'État, j'en suis convaincu. On dit qu'il lève des troupes aux frontières pour rejoindre en force Paris et prouver aux Espagnols que la partie va être rude s'ils veulent attiser le conflit.
– Il craint nos ennemis extérieurs et surtout un retour des barricades…, commença Arnaud.
– Enfin les frondeurs n'oseraient quand même plus s'en prendre au roi, l'interrompit François.
– Ne crois pas cela, reprit son beau-frère, le danger est réel et il est hors de question que Leurs Altesses redeviennent prisonnières de leur propre demeure comme ce fut le cas en début d'année. Mazarin a raison : plus vite Leurs Majestés quitteront Paris, mieux cela vaudra. Que Gaston d'Orléans et le coadjuteur tiennent la capitaleen son absence cela l'indiffère. À ce propos, je dois rejoindre le palais pour superviser les préparatifs. Dans deux jours la cour part s'installer à Fontainebleau puis nous irons débusquer Condé. Je sais que cela t'aurait plu, camarade, dit-il en se levant avec un petit sourire contrit à l'intention de François.
Le gentilhomme avait promis à Nolwenn de ne plus affronter le rebelle et il respecterait ce serment quoi qu'il advienne. Il contempla avec un brin d'envie Arnaud faire ses adieux à ces dames avant de les quitter.
Ninon se rendit compte que le temps en aussi bonne compagnie avait filé sans qu'elle y prenne garde, aussi annonça-t-elle à son tour qu'elle devait les laisser. Auparavant, elle dit à son valet d'aller chercher la malle appartenant à Violette qui était restée chez elle et qui contenait toujours plusieurs effets personnels de la défunte.
– Nolwenn, vous êtes à ma connaissance la seule parente de votre cousine, c'est pourquoi je vous confie ses biens, je suis persuadée qu'elle aurait approuvé ce geste.
– Je vous en remercie vivement, dit la jeune femme, très émue.
La courtisane prit congé, heureuse d'avoir fait ce qu'il fallait. Nolwenn demanda à Louise si cela ne la gênait pas qu'elle se retire pour regarder seule les objets confiés.
– Bien sûr que non et ne vous inquiétez pas, je m'occupe des enfants avec Jeanne. Prenez votre temps.
Nolwenn la remercia, consciente de la chance d'avoir une belle-sœur aimante et chaleureusequisavait apporter son soutien sans jamais l'imposer. Elle fit un signe discret à son époux puis monta dans leur chambre. Belfond proposa à François une partie d'échecs qu'il déclina, préférant se rendre aux écuries où une jument devait mettre bas, à la grande joie de Malo qui put prendre sa place, le garçon adorant ce jeu de stratégie auquel Belfond excellait en réussissant parfois l'exploit de le battre.
C'est dans une stalle que Gervais, parti à la recherche de son maître, le
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