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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alessandro Barbero
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avait poussés, telle une marée montante, à se précipiter sur la
rive du Danube ? Les informations parvenues à Antioche étaient
suffisamment précises pour permettre à l’empereur de se représenter clairement
l’arrière-plan. Des steppes de l’Asie était issu un nouveau peuple, si peu
connu que, lorsqu’on en entendit parler pour la première fois, les fonctionnaires
et les généraux romains revinrent bredouilles de leurs recherches en
bibliothèque : les historiens anciens ne racontaient rien d’utile sur eux.
Ce peuple était celui des Huns, que les Romains apprendraient à connaître, pour
leur malheur, tout au long du siècle suivant ; mais les rares informations
dont on disposait déjà n’avaient rien de rassurant. On savait qu’ils avaient la
répugnante habitude de taillader avec un couteau les joues des nouveau-nés, laissant
des cicatrices qui restaient visibles pendant toute la durée de la vie ; un
anthropologue y reconnaîtrait immédiatement ces cicatrices ou tatouages rituels
pratiqués par de nombreux peuples primitifs, un langage du corps chargé d’une
valeur sacrale et identitaire. Mais les Romains n’étaient pas des
anthropologues, et ils abordèrent cette pratique avec un esprit rationnel :
l’explication, selon eux, était que les Huns n’aimaient pas la barbe, et qu’ils
tailladaient le visage des enfants pour l’empêcher de pousser.
    Tout aussi répugnante était l’autre habitude, devenue
légendaire, que les Huns auraient eue de se nourrir de viande crue, en l’attendrissant
« entre leurs cuisses et le dos de leurs chevaux », comme l’écrit
Ammien Marcellin, qui est le premier à raconter cela. Mais la caractéristique
la plus significative des Huns est que c’étaient de vrais nomades des steppes
asiatiques ; pas simplement des gens qui possédaient peu de choses et se
déplaçaient avec facilité, comme les Goths, mais des nomades purs et durs, qui
ne franchissaient, disait-on, le seuil des maisons qu’avec crainte et suspicion,
comme s’ils entraient dans un tombeau. Ils ne connaissaient pas d’autre habitation
que la tente ou le chariot, et ils vivaient pratiquement à cheval. Dans le
compte rendu d’Ammien Marcellin, on lit le désarroi de l’homme sédentaire qui
identifie la civilisation avec la cité et l’agriculture, du Romain pour qui l’identité
d’un homme – c’est là un trait profondément typique de la mentalité antique – dépend
de son lieu d’origine, si bien que les éleveurs nomades incarnent un mode de
vie entièrement incompréhensible. « Tous errent à l’aventure », écrit
Ammien, « sans demeures stables, sans foyer, sans loi ni usage établi, toujours
pareils à des fugitifs, avec les chariots qui leur servent d’habitation. C’est
là que leurs femmes leur tissent d’affreux vêtements, qu’elles s’unissent à
leurs maris, qu’elles accouchent et nourrissent les enfants jusqu’à la puberté.
Et aucun d’eux, quand on l’interroge, ne peut indiquer son lieu d’origine, ayant
été conçu ailleurs, mis au monde loin de là et élevé à plus longue distance. »
Un pareil peuple pouvait à peine être qualifié d’humain ; le comprendre
était impossible, parce que ses valeurs étaient trop différentes, et il
paraissait d’ailleurs aux Romains que les Huns ne connaissaient aucune valeur, excepté
la soif de l’or : « Ils ignorent complètement », conclut Ammien
Marcellin, « à la façon des animaux privés de raison, ce que sont le bien
et le mal ».

3.
    Cette habitude de la vie nomade, qui rendait les Huns si
incompréhensibles aux yeux des Romains, en faisait cependant un ennemi
redoutable, capable de se déplacer à grande vitesse, d’apparaître subitement là
où personne ne s’y attendait, de livrer une bataille ou de la refuser à son gré.
Les Huns combattaient à cheval, avec des lassos qui enserraient leurs
adversaires et des javelots à pointe d’os, toujours selon Ammien, qui se plaît
à les représenter comme des primitifs ; même si dans leurs tombes, et dans
les squelettes de leurs ennemis, les archéologues ont en réalité trouvé d’excellentes
pointes de flèches en fer. C’était en somme le genre d’ennemi, mobile et
insidieux, dont les Romains s’étaient toujours méfiés, et face auxquels ils s’étaient
toujours sentis mal à l’aise. Au palais de Valens, par conséquent, personne ne
s’étonna d’apprendre que les Goths avaient été

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