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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alessandro Barbero
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plus en plus difficilement. C’était une situation
idéale pour les marchands d’esclaves, qui n’avaient aucun mal à trouver des
familles aux abois prêtes à vendre un fils ou une fille ; décision qui
peut nous paraître impensable, alors qu’elle est assez courante dans les
sociétés accoutumées à l’esclavage. Un afflux d’esclaves goths commença à
inonder l’empire, si nombreux qu’ils saturaient le marché et faisaient chuter
les prix. Citons encore un témoignage contemporain, celui d’un grand
propriétaire foncier d’Afrique, qui deviendra ensuite un évêque chrétien, Synésius :
« Chaque famille jouissant d’un minimum d’aisance possède un esclave goth ;
dans toutes les maisons, ce sont des Goths qui dressent la table, qui s’occupent
du four, qui apportent les amphores ; et parmi les esclaves
accompagnateurs, ceux qui chargent sur leurs épaules les tabourets pliants sur
lesquels les maîtres peuvent s’asseoir en chemin sont tous des Goths. »

IV
L’URGENCE HUMANITAIRE DE L’AN 376

1.
    Telle était la situation à l’automne 376, lorsque des
nouvelles terriblement inquiétantes se répandirent dans la population de l’empire.
Ce n’étaient pas des informations officielles, elles n’étaient pas confirmées
et personne ne savait qui les avait mises en circulation ; mais elles
couraient sur toutes les lèvres, et les gens étaient effrayés. On disait que
les barbares du Nord s’étaient mis en mouvement ; que tout le long du
Danube, jusqu’au delta et à la mer Noire, des populations entières avaient été
chassées de leurs maisons par quelque cataclysme inconnu, et qu’elles erraient
désormais, menaçantes, sur la frontière. Dans les grandes cités des Balkans et
du Proche-Orient, ces choses-là étaient murmurées à l’oreille, aux thermes ou
sur les marchés, car la diffusion de nouvelles subversives était un crime capital
dans l’Empire romain ; le gouvernement, bien sûr, s’abstenait de démentir
ou de confirmer quoi que ce soit, étant donné que l’empereur avait pour
habitude d’agir en secret et ne répondait à l’opinion publique que quand il l’avait
décidé, mais ce silence même augmentait l’inquiétude de la population. Généralement,
en effet, la diffusion des informations était contrôlée de façon efficace par
la propagande officielle, et s’il était question des barbares du Nord, c’était
exclusivement pour annoncer de nouvelles victoires ; le public n’apprenait
qu’une guerre avait eu lieu sur la frontière du Danube que lorsque l’empereur
proclamait que cette guerre était terminée, et elle s’achevait invariablement
par une victoire. Les rumeurs qui couraient maintenant, en revanche, étaient
vagues, incertaines ; les gens ne savaient pas ce qu’il fallait en penser,
ils étaient inquiets.
    Au palais impérial, on en savait davantage. L’empereur
Valens, à ce moment précis, se trouvait à Antioche, en Syrie, à deux mille
kilomètres de distance de la frontière danubienne, occupé à préparer sa guerre
contre les Perses. Les nouvelles, même lorsqu’elles étaient confiées aux
courriers officiels, qui changeaient de cheval à chaque relais de poste, mettaient
plusieurs semaines à arriver là-bas. Cela aussi nous donne le sentiment de l’immensité
de l’empire, et de la difficulté pratique de le gouverner : il était
évident qu’un seul empereur ne pouvait y pourvoir, et que la coutume consistant
à diviser le pouvoir était le fruit de la nécessité. Mais les nouvelles finissaient
tout de même par arriver. Valens et ses conseillers pouvaient se faire une idée
assez claire de ce qui se passait sur la frontière septentrionale, et l’idée qu’ils
s’en firent était que l’on avait affaire à une situation bien moins
préoccupante que ne le croyait la populace. Il ne vint à l’esprit de personne, en
tout cas, d’informer l’opinion publique pour la rassurer ; si on se
mettait à penser que l’empereur devait rendre des comptes à ses sujets, où
irait-on ? Mais dans le secret du consistoire – on appelait ainsi la
réunion à huis clos des ministres en présence de l’empereur –, Valens et ses
conseillers, les eunuques qui gouvernaient le palais, les généraux de la garde
impériale, ne se faisaient aucun souci.

2.
    Qu’était-il donc arrivé qui pût mettre en mouvement les
barbares du Nord ? Quel était le cataclysme qui les avait chassés de leurs
maisons et les

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