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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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peu qu’il ait maugréé contre son état, ton oncle m’a dit qu’il avait entrevu un des responsables de sa captivité : John de Vere [153] … Il est comte d’Oxford… C’est lui qui commanda l’attaque victorieuse d’Auberoche. Or, voilà ses armes qui ventilent devant ce pavillon couleur sang-de-dragon. Toutes les autres bannières sont anglaises. Je sais bien que tu peux prétendre être un partisan de Jean de Montfort, mais pour le moment, ne tentons pas le diable.
    — Ou la diablesse, Jack !… Regarde cette femme qui se fourfile, là-bas, entre deux râteliers d’armes…
    — Élisabeth ! grommela Shirton… Je ne vois que deux raisons à sa venue : ou elle cherche à gagner quelques poignées de florins, marcs, esterlins et même des écus de France…
    — … ou trente deniers pour nous préjudicier.
    — Crois-tu qu’elle oserait ?
    — Il faut s’attendre à tout d’une femme offensée.
    — Es-tu certain qu’elle nous a vus ?
    — Aussi certain que je te vois.
    Ils n’échangèrent plus un mot.
    Shirton allait d’un homme à un autre et s’informait sans désespérer : « Have you seen sir Hugh Calveley ? » « Avez-vous rencontré messire Hugh Calveley ? » Réponses négatives. En le suivant d’un pas quelquefois hésitant, Ogier s’employait à paraître aussi humble qu’un huron égaré parmi des guerriers aux fureurs inopinées. Lorsque, levant les yeux, il aperçut le gonfanon des Winslow frappé de son griffon d’or, il se sentit descendre d’un degré vers quelque chose d’inévitable.
    « Nous devrions partir dès maintenant et cela est impossible. »
    Il ne pouvait abandonner son oncle. Cette fois, c’eût été le trahir pour de bon.
    Cependant, écartant des coudes une foule qui ne cessait de s’épaissir, Shirton revenait vers lui, souriant, rassurant.
    — Eh là ! tu n’avançais plus…
    — Les Winslow sont présents.
    — Je sais… La défection d’Élisabeth et la présence de ces méchantes gens vont nous faire renoncer aux épreuves d’archerie.
    — C’est ce que je pensais… N’en es-tu pas marri ?
    — Bah !… Otons-nous de là. Toi, tu vas revenir chez les plumassières. Moi, je vais continuer de chercher Calveley… Ouvre l’œil !
    C’était la sagesse même.

VII
    — J’ai de la fièvre, dit Griselda. J’ai dû prendre froid.
    Des perles de sueur donnaient à sa pâleur une brillance nacrée. Elle était emmitouflée dans une couverture. Elle somnolait quand Ogier s’était penché sur elle. Il regrettait de l’avoir éveillée.
    — Il doit bien y avoir quelques mires à l’entour… Je vais m’enquérir auprès de Norah…
    — Non !… Elle est déjà si bonne de m’avoir mise dans cette tente… Je lui ai raconté que tu étais breton, fidèle à Jeanne de Montfort… Éloigne-toi de Sarah qui connaît un peu ce parler. Elle a passé quelques années à Guernesey [154] . Elle hait les Franklins qui ont meurtri sa famille, il y a huit ou neuf ans, quand ils ont conquis l’île…
    — Même malade, tu penses à tout.
    Tant de sagacité rassura Ogier. Griselda ne souffrait que d’un mauvais rhume. La morsure du brochet serait sans effet.
    — As-tu soif ? Veux-tu quelque chose ?
    — Rien… Je me sens mieux depuis que tu es là.
    Il n’osait détacher sa main de ce poignet un peu maigre qu’il avait saisi sous l’impulsion d’une inquiétude intense. Il y sentait un petit cœur battre avec une forcennerie qui, sans doute, ne devait rien à sa sollicitude. Mû par un sentiment de tendresse incertaine, il se pencha vers le front embué pour déposer, à la lisière des cheveux moites, un baiser bref et furtif.
    — Tu me guéris, dit Griselda, les paupières closes.
    Il sentit les cils mouillés frémir sous ses lèvres ; les bras de la fillette remuèrent, s’élevèrent et devinrent collier. Il demeura penché sans grande envie de résistance.
    — Je t’aime, dit-elle en lui offrant sa bouche avec cette avidité naïve qui confirmait un caractère rarement enclin aux atermoiements et demi-mesures.
    Comme il allait se relever pour soulager ses genoux douloureux, Griselda pesa, souple et véhémente, de toute sa force sur sa nuque. Résigné, il la laissa étancher une soif qu’elle devait trouver délicieuse.
    — Laisse-moi, dit-il en se dégageant non sans mal.
    Se détournant, il vit Sarah, qui les observait, toucher Mary de son coude.
    — Cesse, murmura-t-il. Les femmes

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