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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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nous regardent. Elles se concertent et nous trouvent scandaleux.
    Griselda obéit et, enfonçant ses bras sous la couverture :
    — Tu me manqueras, dit-elle d’une voix tremblée, résignée, en désaccord avec sa nature.
    — Quand ?… Je suis près de toi.
    — Quand je serai… loin.
    Il feignit d’ignorer ce que cet absentement signifiait mais s’indigna qu’elle eût une aussi ténébreuse vision de son devenir. Pourtant, par une prémonition singulière, toute une partie de lui-même sentait Griselda en péril. Il l’avait sauvée de Ferris. Maintenant, que pouvait-il faire ? Il savait qu’une morsure de brochet équivalait parfois à une piqûre d’aspic. Peu de temps après son arrivée à Rechignac, il avait vu Blagnac, un des palefreniers de son oncle, mourir de pareille blessure après qu’il eut été pêcher dans la Dordogne. Le brochet dont il était si fier l’avait mordu au pouce. Ni les soins acharnés de Mathilde ni les prières du chapelain n’avaient pu éteindre une fièvre maléfique [155] .
    « Blagnac était vieux », se dit-il. « Griselda est jeune et d’un sang vif. » Il se pencha sur la fillette dont les yeux fouillaient les siens :
    — Il faut qu’on te soigne. Les brochets sont pernicieux.
    — Prends-moi dans tes bras. C’est le meilleur remède.
    — Je ne le puis. Il me faut être prudent, mais je te promets, plus tard…
    — J’ai foi en ta parole.
    Elle cilla des paupières et il détesta la lividité de son visage. L’envie le saisit de joindre les mains et de prier, mais quelle que fût sa confiance en la Providence, il n’en espérait plus rien : elle lui avait rendu Guillaume en échange, peut-être, de Griselda.
    — Dors, dit-il. Voilà Jack. Il va t’aider. Je vais à sa rencontre.
    Shirton dissimulait, sous son sourire, la déception d’une vaine recherche.
    — Pas de Calveley, dit-il. Pourtant, j’ai parcouru tous les lieux…
    — Griselda est fiévreuse. Non, n’avançons plus. Il ne faut pas qu’elle sache…
    — Quoi ?… Elle est solide ! Reste solide toi aussi… On dirait que tu as peur de la perdre.
    Ogier, d’une main, repoussa ces propos.
    — Elle est en péril de mort, je le sens. Il faut la guérir. Tu dois bien parvenir à trouver un mire entalenté qui…
    Ce fut à Shirton de faire un geste :
    — Les mires qui sont à Ashby ne soignent que les seigneurs. Jamais aucun d’eux ne se déplacera pour une pauvresse.
    — J’en connais un, moi, qui se serait déplacé même pour soigner un chien.
    Mais qu’allait-il songer à Benoît Sirvin – ou plutôt à l’ancien templier Benoît de la Ferrière ! Invinciblement, une contraction serra le cœur d’Ogier. Sa gorge se durcit ; il dit péniblement :
    — Ce soir, il sera peut-être trop tard.
    — Non, compère ! C’est sûrement autre chose que cette morsure à laquelle tu penses. Griselda va sortir de la jeunesse prime pour devenir une vraie femme.
    Ogier que la fureur gagnait fut tenté de réfuter cet argument. Avec une acuité prompte et douloureuse, il envia l’aveuglement de son compagnon. Shirton pouvait être pétri de grandes qualités, il manquait de discernement.
    — Si ce soir, Jack, elle est toujours dans cet état, c’est moi qui chercherai un mire.
    — Tu seras pris… La belle prouesse. Et aucun mire n’accourra pour sauver, s’il en est besoin, une petite…
    Le mot demeura dans la bouche de l’archer. Alors, sans avancer d’un pas, il fournit à Ogier quelques nouvelles :
    — Le roi loge au château ; il y prend ses repas. Il tient conseil sous son pavillon. Il en sort pour chevaucher, piéter et s’entretenir avec ses hommes liges… On dit que Cobham a l’intention, pour se faire valoir devant Édouard III, de lancer un défi dont j’ignore l’espèce.
    — Cobham ! gronda Ogier.
    Comprenant que cet accès d’humeur était stupide, il demanda, indifférent en apparence :
    — Quoi d’autre ?
    — Le baron de Winslow est là sans son épouse. Il ne joutera pas ; il estampe [156] entre ses filles, sans doute à la recherche d’un ou deux époux. Quatre soudoyers veillent sur leurs personnes.
    — De sorte que s’ils nous voient ou si Lisbeth nous dénonce, nous pouvons être arrêtés et mis aux fers dans quelque basse-fosse en attendant mieux !
    — Pour connaître un tel sort, il faudrait qu’on nous prenne.
    Ogier se fit vergogne de ses craintes : il n’avait rien à redouter s’il

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