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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fauché, les pavillons dressés à l’intention des combattants. Devant celui des appelants, rond et paré de brussequin [235] vermeil, flottaient trois bannières. Le logis des défendants, rond également, mais revêtu de cariset [236] azuré, souillé de boue et déchiré par endroits, arborait, au-dessus de sa portière, les chemises sales et fripées d’Ogier, de Guillaume et de Barbeyrac.
    Jean d’Offord les avait prévenus dès l’aurore : Renaud de Cobham, Simon de Brackley et Lionel de Dartford acceptaient de les affronter, mais tenaient à se conformer aux usages ; leurs trois hérauts liraient leurs défis dans la lice. « Vous y répondrez omniement [237] , messires », avait continué le Conseiller que Guillaume avait surnommé Fanfeluce [238] en raison de sa façon de se gonfler d’importance. « Auparavant, vous vous serez adoubés avec l’une des armures ou l’un des haubergeons de votre choix que je vous ferai porter de façon à faire visage [239] dès la publication du dernier défi. Les joutes, en effet, ne doivent point attendre et commenceront à la troisième mort, car ces combats, dois-je insister ? sont à outrance… Point de quartier ! » Offord pensait que les Anglais vaincraient. « Nous vous fournirons également des aides. Ils appartiendront tous à la Maison du roi. » Ces aides, ils les avaient récusés. Alors, on les avait conduits dans la basse cour après qu’ils eurent dit au revoir à leur compagnon d’une nuit indifférent à tous ces apprêts. Il y avait là un abreuvoir et, sur la margelle du puits, trois serviettes, un rasoir et du savon gras au fond d’une coupe de cuivre ; plus loin, des chausses, chemises, pourpoints de drap de Hollande, tous noirs. «  On nous contraint à porter notre deuil ! » s’était exclamé Étienne de Barbeyrac. Offord qui, entre quatre gardes, assistait aux ablutions, avait précisé en écho : « Quels que soient les vaincus, on ne leur refusera pas la pénitence et la viatique, mais ils ne pourront avoir de sépulture ecclésiastique, puisque l’Église interdit de pareils affrontements. » À quoi Guillaume avait répliqué qu’il était certain, lui, Rechignac, que si les trépassés étaient anglais, ils seraient ensépulturés bellement, que l’encens et les croix ne leur manqueraient pas, et qu’il avait regret qu’Édouard IIIne fût pas l’auteur d’un défi pour lui fournir des sacrements à sa manière.
    Ogier quitta le banc où il s’était assis. Tout en caressant ses joues enfin lisses, il gagna l’entrée du pavillon.
    — Rien, dit-il. Il est grand temps que ces armures nous soient remises. Il nous faut les essayer.
    — C’est bien parce que nous prendrons soin de les essayer qu’elles nous seront apportées avec un retard volontaire. Tu le sais, mon neveu : plus on a de mésaise en icelles, plus les mouvements sont imparfaits et plus on offre d’occasions de se faire occire !
    Guillaume restait dans l’ombre, assis sur une escabelle. Sans doute, depuis son réveil, se demandait-il s’il mourrait et si sa fille était fidèle ou déloyale. Barbeyrac gisait à ses pieds, apparemment ensommeillé, l’esprit hanté du souvenir de son épouse, puisqu’il dit, s’adressant peut-être à lui-même :
    — Elle a la blondeur du miel…
    Ogier se refusait de penser à Blandine : c’eût été s’amoindrir. Il regarda, par-delà les barrières, ces Goddons impatients qui grondaient de le voir.
    — Attendez-vous, dit-il en se détournant, à être couverts d’injures !
    — Cela, dit Barbeyrac, n’entame pas la peau. Mieux encore : les insultes me fortifient.
    — Moi, leurs cris, leurs jurons, je me les fous au potron [240]  ! Cobham, mon neveu, va découvrir une sévère différence entre Sangatte et Ashby ! Comment est-il ?
    Ogier fut embarrassé pour répondre :
    — Je l’ai si peu vu !… À Sangatte, il avait son bassinet fermé. À Ashby, je suis passé devant sa tente et il m’a semblé entrevoir un homme brun, de ma hauteur, plus carré que je ne le suis… Il était là quand, à Calais, on m’emmena sur L’Édouarde, mais j’étais encore dans les brumes où son épée m’avait plongé !
    Puis, toute son impétuosité revenue :
    — Mais je connais – ah ! oui – sa façon d’estremir [241] . Rien n’est tel que d’être injustement dominé pour s’imprégner l’esprit de l’usage qu’un démon tel que lui fait de son épée… Il

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