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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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« Entrer en place à pied… être armé d’une dague et d’une épée… » La dague lui manquait. Toute solide qu’elle fut, l’épée de Barbeyrac, souillée de sang, lui semblait bien pesante, même pour n’en fournir que dix coups. Il était également question d’une hache dont Cobham assurait la fourniture.
    — Ah ! dit-il, voilà que messire Prescott sans mailles m’apporte de quoi faire de la belle ouvrage.
    Le héraut de Cobham lui tendit la hache par le fer. Il prit garde de ne s’y blesser. Le poignard dans sa gaine tomba devant ses pieds.
    — Allons, allons, William ! reprocha Russel Chalk.
    Mais Prescott s’en allait déjà d’un pas si vif qu’il faillit choir et choir encore, ce qui provoqua les premiers rires de l’assistance. Ogier s’en trouva revigoré.
    — Fais voir ces armes, dit Barbeyrac.
    La hache danoise, tout au moins par sa forme, avait un large fer relevé à son sommet afin de fournir des coups d’estoc ; son tranchant à contour renflé semblait avoir été aiguisé le matin même. Un long manche oblique, pour accroître la force du coup, en assurait le maniement.
    — Elle est bonne… Tu vas le fendre en deux avec ça !
    — Je ne sais… J’essaierai… Regarde cette dague.
    C’était un simple perce-maille à la lame longue d’un pied, en forme d’alêne, si aiguë qu’on eût pu l’employer pour se délivrer d’une écharde. La poignée en bois, sculptée en colonne torse entre deux rondelles de fer – celle de la garde plus petite que celle du pommeau –, occupait sans en déborder la paume de Barbeyrac. Ogier vérifia si sa main pourrait l’empoigner aussi parfaitement.
    — Elle est bonne.
    — Tant mieux, dit Russell Chalk.
    — Ce fourreau de cuir vieux n’a pas d’attache, messire !
    — Il y a la hache, messire ; puis l’épée et enfin la dague… si vous êtes toujours vivant. Vous n’avez qu’à confier cette lame à vos amis en attendant le moment de vous en servir. Faites-moi signe quand vous serez prêt.
    — En attendant, messire, enragea Barbeyrac, veuillez faire apprêter un deuxième cercueil.
    Ogier désapprouva cet excès de confiance. Il allait prendre son temps. « Ainsi », songea-t-il, « je rendrai Cobham maniaque [296] d’impatience. » Alors, il en ferait ce qu’il voudrait.
    — Tiens, voilà ton écu, dit Barbeyrac. Je crois, pour avoir mis celui de Brackley en pièces, qu’ils sont en tremble ou en tilleul… Si j’étais toi, je m’en priverais pour le moment.
    — C’est bien mon intention.
    — Je ne saurais, dit de loin Guillaume, vous parangonner [297] l’un à l’autre. Cobham t’a vaincu, Ogier, mais il est plus âgé et plus lourd que toi. Il se croit supérieur : l’orgueil doit lui être funeste !
    Il se leva ; un sourire anima sa bouche aux commissures, depuis longtemps, inclinées vers le bas.
    — Gare aux glissades !
    Leurs semelles plongeaient, à travers l’herbe, dans une terre pourrie. Comme ils se donnaient l’accolade, une rumeur s’éleva, trop forte pour qu’ils l’eussent suscitée. Ils dénouèrent leur étreinte.
    — Sainte Mère ! fit Barbeyrac. Comme elle est belle !… Voyez ces longs cheveux…
    Éthelinde avait quitté la tribune des dames. Devant la barrière, elle agitait ses mains. Russell Chalk galopa jusqu’à elle. Ils conversèrent.
    Éthelinde se détourna et désigna Jeanne de Kent, Tancrède, Odile et leurs voisines. Elles acquiescèrent. Ogier retrouva dans sa mémoire, en voyant sa cousine hocher la tête, cette fermeté un peu compassée qu’elle lui opposait naguère quand un différend le courrouçait et que, bien qu’il sût avoir raison, elle se délectait dans la contradiction. Odile, elle, restait de marbre.
    « Pourquoi Éthelinde ? » se demanda-t-il pendant que le maréchal de lice lui faisait signe d’approcher.
    Il avait le choix : contourner la barrière des joutes qui lui empêchait la voie ; passer dessus, passer dessous. Malgré le poids de l’armure, il s’appuya des deux mains à la barre transversale et la franchit d’un bond de côté.
    Il fut sensible aux murmures qui s’élevaient et se dit que Cobham devait le prendre pour un outrecuidant.
    — Approchez, messire, dit Russell Chalk avec un geste large empreint de cérémonie.
    Après avoir levé son regard vers Tancrède, pâle et attentive, Ogier s’inclina devant Éthelinde, la dextre sur le cœur, avec autant de déférence que s’il

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