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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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avait eu affaire à une princesse du Sang. Quelques dames estimant son geste bienséant l’applaudirent. La sœur d’Odile porta ses doigts à son frontal, croyant peut-être sentir à cet emplacement la rondeur d’une couronne.
    — Messire, dit-elle d’une voix dont la langueur se trouvait démentie par la vivacité de ses yeux immenses, voulez-vous être mon champion ?
    — Vous le pouvez, intervint Russell Chalk.
    C’était une proposition tellement inattendue qu’Ogier dut avaler sa salive et accepter de la tête, après avoir consulté la reine d’un coup d’œil et obtenu son assentiment.
    — J’y consens… Mais vous me faites bien trop d’honneur, Éthelinde.
    Elle était belle, en ce jour de novembre, sous le dais d’un ciel tourmenté qui seyait à son caractère. Il admira ses pommettes rosées, son cou laiteux ceint d’une chaîne aux volumineux anneaux d’or rouge. Il n’entrevoyait de sa robe qu’une gorgerette de petit-gris, mais il savait qu’elle épousait des formes dont, à Winslow, il eût fait ses délices. Un manteau de camocas grenat les dissimulait presque.
    — Je ne suis même plus un otage, dame Éthelinde, mais une sorte de malandrin…
    « Ces cheveux », songea-t-il, en rêvant d’y passer la main.
    Le frontal mince et plat ne dissimulait pas la raie de milieu qui les séparait en deux ondes luisantes ; une raie si fine qu’elle avait sûrement été tracée à la gravouère [298] plutôt qu’avec un peigne ordinaire. Une raie qui la partageait tout entière en deux si l’on avait l’audace – et il l’avait ! – de suivre le val entre les seins, le nombril et le reste.
    — Messire ! Messire, je vous sais bon gré d’avoir accepté.
    — Vous ne pouviez, messire, vous dérober. Il me plaît de vous assurer que moi, Russell Chalk, je vous considère comme un chevalier digne de respect !
    L’effet d’un tel compliment fut aussitôt visible sur les traits d’Ogier. Éthelinde les regardait, les scrutait ainsi qu’un paysage dont elle eût, soudain, découvert l’étendue. Il lui baisa la main, à l’abri d’un gant de chevrotin parfumé à la poudre de gingembre. Alors, d’un geste prompt, en souriant – et quel sourire hardi, joyeux, dominateur ! –, la jeune femme décousit la manche senestre de son manteau dont elle déchira la doublure de blanc taffetas pour la nouer à la cubitière d’Ogier.
    — Attendez un moment. Ce n’est pas tout, messire… Edmund !
    Un garçonnet blond apparut, vêtu comme les juges et portant sur ses paumes, dans son vieux fourreau de cuir écorché de bataille en bataille, cette épée dont la perte inquiétait Ogier.
    — Ah ! dame… Je ne sais que dire… Revoir ma Confiance me comble d’aise !
    — Faites-en donc, messire, un excellent usage. Mon père, qui l’avait adoptée depuis votre… départ de Winslow, a consenti, ce matin même, à vous la restituer par mon entremise.
    — Pourquoi ce… retournement ?
    — Il dit qu’un chevalier, même de votre… espèce, a le droit de mourir sa protectrice en main.
    — Je n’ai pas l’intention de mourir !
    Il vit le front d’Éthelinde se rider. S’inquiétait-elle, ou bien…
    — Allons, marmonna Russell Chalk, je vois que Cobham se courrouce…
    Ogier s’inclina, saoulé de joie, l’appétit de meurtre aussi aiguisé que Confiance. Non, non, jamais plus il ne serait vaincu. Surtout par Cobham !
    Son cœur battait avec rage. Aspiré par ses narines dilatées, l’air mouillé descendait en lui avec une violence fraîche, revigorante. Quoi qu’il eût pensé d’elle, Éthelinde ne pouvait être son ennemie. Il combattrait pour lui et pour elle. Double joie s’il dominait et abattait Cobham.
    Il revint vers ses compagnons. Lentement : il fallait qu’il fît en sorte de prolonger, de dilater l’impatience de Cobham. Que son courroux et son aversion pour le Franklin atteignissent une extrémité qui, plutôt que de les rendre redoutables, préjudicierait tous les mouvements de l’Anglais.
    Jamais il ne s’était senti aussi vigoureux, aussi vivant, aussi sûr de sa fortitude. Cobham pouvait crier, il n’allongerait pas ses enjambées. « Éthelinde ! » pourquoi n’avait-il pu la forniquer à Winslow ? Avait-elle, maintenant, le regret des étreintes masculines ou bien, tout simplement, voulait-elle reconquérir sa sœur en lui donnant à penser qu’elle se…
    « Qu’elle se dessaisit d’elle ! »
    Oui, il

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