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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pouvait se permettre de sourire. Tancrède, elle aussi, devait se réjouir de relever, sur le visage d’Odile, les signes de la colère – et peut-être du désespoir.
    — Je te comprends ! hurla Cobham. Tu n’as point hâte d’être meurtri !
    Ne rien répondre.
    La foule était contaminée par l’impatience. La méchanceté. Une pierre tomba. Ogier la ramassa et la jeta par-dessus son épaule.
    — Vous allez voir, Goddons, votre idole en péril !
    L’orgueil, oui : c’était l’orgueil qui, maintenant, s’enfonçait dans son être en de brèves et prodigieuses vibrations. Comme une flèche touchant au but.

III
    Le bouclier sur sa poitrine, la hache pendante et même raclant le sol afin de soulager le plus possible son bras dextre, Cobham avançait, dodinant du cimier. Dans les minces cavités du heaume aménagées pour la vue, ses yeux semblaient deux scarabées immobiles.
    Une voix de fausset perfora le silence :
    —  Kill him !
    Inutile de savoir l’anglais pour comprendre. Russell Chalk contourna les deux antagonistes et galopa jusqu’au trouble-fête, un enfant peut-être, qu’il tança et dut menacer. Il y eut, à l’égard du maréchal de lice, un bourdonnement de voix méprisantes. Derrière Cobham, quelques fers scintillèrent : des hommes d’armes s’apprêtaient à imposer par la force le respect dû aux combattants.
    L’Anglais se mouvait avec des précautions emphatiques nullement dues à l’herbe drue, peu glissante en cet endroit. Ogier recula en direction de la barrière de joute. Des hommes venaient de s’y accouder : il les entrevoyait par la vue et les trous de son mézail de fer.
    Il avait ébaubi plus d’un Goddon en refusant le bouclier que son oncle lui avait proposé. Il l’emploierait pour la joute. Tenant soigneusement son arme – la dextre aux deux tiers du manche, la senestre, paume creuse, sous les attelles de fer épais qui la fixaient au bois –, il pressentit une attaque. En effet, pour donner plus de force à son coup, l’Anglais avait abaissé lentement son écu et préparé un moulinet décelable au mouvement de son gantelet.
    Le coup partit. Ogier fut satisfait de son esquive. L’aisance avec laquelle il l’avait accomplie – un saut de côté – fit courir une rumeur dans la foule. Il répliqua d’un grand coup fauchant, frappant le fer de l’arme adverse, qu’il sentit frémir sous le sien.
    « Si je l’avais touché, je lui brisais la hanche ! »
    Cobham avait eu ses aises, à Sangatte. Désormais, tout changeait.
    « Il m’offre un répit ! Son écu est gênant et sa hache lui pèse ! »
    L’Anglais non seulement reculait, mais il affermissait sa prise sur le manche. «  Que pensent-elles ? » Ogier imagina Odile, les lèvres un peu tordues – ces lèvres lécheuses, suceuses –, Éthelinde émue et fïère d’avoir un champion… Mais pourquoi lui, Argouges ?… Et Tancrède ? Que pensait-elle de tout cela ? Avait-elle confiance en lui ? Quels étaient ses souhaits ?
    Un nouveau coup. Manqué !… Le sien ? Manqué aussi. Il en restait donc huit.
    — Holà ! enragea-t-il sous son bassinet.
    Cette fois, le fer adverse était passé si près de sa cubitière qu’il avait failli emporter la doublure d’Éthelinde. Confiance, suspendue à sa hanche, l’avait embarrassé dans son recul. Était-ce à lui d’attaquer ?
    Cobham parut hésiter. Puis il frappa, frappa encore. La peur s’enfla, grossit, durcit. Ogier sentit le bois de son arme se mouiller de la sueur qui suintait des mailles de ses gantelets.
    Il attaqua. Son croissant de fer toucha le bouclier, mais glissa dessus comme si Cobham, avant le combat, l’avait oint d’huile ou de graisse. C’était pour cette raison qu’il brillait tellement.
    Cobham répliqua. Manqua. Ses bras commençaient-ils à s’alourdir ? Sa dextre au poignet ceint d’un crispin de cuir clouté, cramponnée au manche comme à une épave, frappa encore. Ogier éleva son fer à la rencontre de celui de l’Anglais. Il y eut un fracas terrible ; une étincelle jaillit. Profitant du heurt, le Français frappa sans trop s’inquiéter où porterait son coup.
    Il vit le bouclier se fendre et entendit Cobham rager de devoir se défaire de la guige qui serrait de trop près sa cuirasse.
    « Il s’empêtre dans sa courroie !… Il hurle de mécontentement… Il ne m’aurait pas fait quartier ! Je frappe ! »
    Ce fut à cet instant que Russell Chalk

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