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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’être achevée, tous les yeux se tournaient vers ces trois outrageuses avec un mouvement, un étonnement, une réprobation unanimes.
    — Elles sont folles, dit Barbeyrac. C’est un défi au roi, à la cérémonie.
    Tancrède avait un pas d’avance sur ses compagnes.
    — Si elle pouvait courir, mon oncle, elle l’oserait…
    Ses cheveux dénoués flottaient sur ses épaules, sur ses joues, parfois sur son nez. Sans doute regrettait-elle le temps où elle les portait courts afin qu’ils ne lui fussent une gêne lors de ses chevauchées sur Roxelane.
    — La voilà, dit Barbeyrac.
    Guillaume serra les dents, se composant un visage sans regret ni souffrance, et Tancrède, avant même de l’avoir atteint, demanda :
    — Peut-on le soigner ?
    Barbeyrac fit non de la tête tandis que les paupières du vétéran se fermaient sur une larme si petite qu’Ogier seul crut l’apercevoir.
    — Dartford est mort ! Qu’il pourrisse !
    Les deux compagnes de Tancrède, bien qu’anglaises, approuvèrent. Elle reprit avec un sifflement de haine :
    — Au premier coup, le maréchal de lice aurait dû bouter ce démon hors du champ… C’est de la complaisance et non de la justice !
    Ogier n’osait trop exprimer sa détresse. Il ne savait que deux choses : Guillaume se mourait et il était incapable, bien qu’il eût cru connaître, jusque-là, toutes les variations des sentiments de Tancrède, d’évaluer son degré d’affliction. Une expression de volonté, d’austère simplicité, d’impassibilité fermait, des sourcils au menton, la figure de sa cousine. Jamais il n’avait mieux senti qu’en ce funèbre événement l’empreinte d’une discipline qui mesurait, retenait, concentrait tous ses émois. Cependant, quand son regard tomba de haut sur le blessé, sa fermeté se mitigea d’un air de dévotion qui échappait à sa gouverne. Retroussant sa robe sans souci que l’on vît sa cuisse, elle fléchit le genou, prit la main de Guillaume :
    — Dites-moi, Père, vos volontés.
    — Reviens en Périgord.
    Tancrède leva son regard vers Ogier. Qu’attendait-elle ? Elle n’avait pas besoin de son assentiment !
    — J’y reviendrai.
    — Avec Ogier.
    — Avec Ogier, Père.
    — Renie tous tes amis et toutes tes amies.
    D’un clin d’œil, Tancrède rassura Odile et Jeanne de Kent.
    — Je vous en fais promesse.
    — Marie-toi, aie des enfants : que notre sang se continue.
    — J’obéirai, Père, n’ayez crainte.
    Ogier regretta de ne voir que la chevelure de Tancrède. Sous la chair lisse et blême de son visage, des grimaces, sans doute, s’ébauchaient. Barbeyrac troubla cet ultime entretien :
    — Que viennent-ils faire ? Bon sang, ils vont goûter de cet acier !
    Il avait dégainé son épée. Son regard et son geste immobilisèrent Offrey et ses deux compagnons.
    — Arrière, messires ! J’en ai occis un ; je puis continuer ! Vous êtes trois : pour moi, c’est un bon compte !
    L’outrecuidant Offrey s’approcha seul et, de sa paume, repoussa l’épée pointée sur son ventre.
    — Tout doux, messire !… Je conçois votre courroux. Mes compères et moi réprouvons la félonie de Dartford. Sa mort ne nous consterne pas… Voilà ce que nous voulions vous dire, et…
    — Et quoi ?
    — Insister auprès de ces trois dames pour qu’elles reviennent sur leur banc. Le roi est mécontent.
    — J’en ferai mon affaire, dit en souriant la reine. Mais à ce que je vois, messires, vous semblez renoncer à fournir une course ?
    — Nous avons jouté à Londres, dit Offrey en se rengorgeant. Pour ma part, j’ai couru trente lances… Mon corps est toujours bleu des coups que j’ai reçus… Je vous le montrerai si vous le voulez voir.
    La belle Jeanne échangea un sourire de connivence avec Odile.
    — Je n’y tiens pas, messire. Toutefois votre invitation m’a touchée… si j’ose dire.
    Offrey partit, le pas vif, la démarche furieuse. La reine tourna vers Barbeyrac un regard signifiant qu’elle eût bien vu ses contusions s’il en avait. Il rengaina son épée, s’approcha d’elle. Les musiciens jouaient toujours et les jouteurs continuaient leur tour de lice. Quand le silence vint, des noms éclatèrent dans la rumeur populacière, lancés par les hérauts et quelques assesseurs aux quatre coins du champ :
    —  Gauthier de Masny, John de l’Ile, Hugo Courtenay… John Gray [324] …
    Guillaume entrait lentement dans la mort. Du sang et des

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