Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
n’obtint ni l’un ni l’autre : les oreilles pleines des imprécations de son peuple, Édouard III, ostensiblement, se détourna vers un adolescent dans lequel Ogier reconnut le prince de Galles.
    Remettant vivement son épée au fourreau, Dartford alla quêter l’assentiment des dames. Démarche inutile. Aucune ne parut voir sa révérence, mais la reine cracha et lui montra le poing. Tancrède en fit autant, imitée par Odile.
    — Va-t-il se desheaumer enfin qu’on voie sa tête ?
    — Que la lèpre du remords lui ronge le cœur, et qu’il…
    Ogier s’interrompit. Quelque chose bourdonnait et chuintait dans l’air. Il en reconnut la nature.
    Dartford hurla et s’écroula, doublement atteint par des sagettes dont les dardillons, pénétrant par la vue de sa ventaille, l’avaient éborgné, décervelé, pour ensuite perforer le crâne et traverser le fer qui le protégeait.
    — Le soir de l’arrosoir, j’avais cru un tel coup impossible. Il l’avait réussi quatre fois devant moi avant que nous arrivions à Ashby. Où est-il ?
    Shirton n’était plus juché sur son perchoir et Tom fuyait à tire-d’aile.
    — Que disais-tu ? demanda Barbeyrac.
    — Plus tard ! dit Ogier.
    Il courut jusqu’à son oncle, Barbeyrac sur ses talons. Les cris, les remous et les huées suscités par la mort de Dartford ne les concernaient plus.
    Ogier s’agenouilla et décoiffa Guillaume.
    Le vétéran vivait encore.
    — Mon oncle !
    Ogier n’osait trop considérer ce visage blafard dont les traits révélaient, outre la résignation qu’il s’était attendu à y trouver, le dédain et non le regret de cette existence à laquelle il devait plus de déceptions, de coups et navrures, que de bonheur. Ses paupières baissées sur un reploiement profond des actes, qui, face à Dartford, l’avaient irrémédiablement condamné, se soulevèrent. Il découvrit aussi Barbeyrac et sourit :
    — Ta déconvenue dépasse la mienne !
    — Tu aurais dû l’occire quand tu en avais l’occasion !
    — Je savais que je ne reverrais plus ma chevance [322] … Il te faudra t’y rendre, mon neveu… Tu leur diras… Au besoin, s’il le faut, tu régneras sur eux… Tu y emmèneras ma fille…
    — J’irai à Rechignac, mon oncle… Nous irons… Dartford est mort. Shirton a fait justice : deux sagettes… Une dans chaque œillère du bassinet…
    — Impossible… Tu veux me rassurer…
    Enrageant contre cette incrédulité dernière, Ogier, avec l’aide de Barbeyrac, souleva Guillaume par les épaules :
    — Tenez, regardez : on l’emporte hors du champ.
    — Reposez-moi. Ce démon pouvait me percer le cœur. En me donnant ce coup d’estoc au ventre, il savait que la mort me prendrait lentement.
    Une fanfare annonça le commencement des joutes.
    Le premier participant apparut, le timbre surmonté de proboscides roses [323] . Sur le devant des échafauds et des barrières, la gent féminine se montra aussitôt avec des mines affectées, des mouvements et roucoulades.
    Le chevalier tourna autant qu’il le pouvait son heaume déclos vers ces viviers de jolies filles qui lui envoyaient des baisers assortis de poignées de fleurs. D’autres compétiteurs surgirent et durent se sentir la tête enflammée par les cris et la frénésie que provoquait leur passage. Certaines dames, après un «  Je t’aime  » ou un «  I love  », réprimaient leur audace derrière leur gant, tandis que leur regard et leurs joues empourprées dénonçaient une concupiscence à laquelle, parfois, un gantelet répondait. Le brouhaha grandissait ; la lice s’emplissait. Il y avait dans les ovations, les cris et quelquefois les paillardises d’une insensée, des relents de lupanar, mais ni ces mâles ni ces femelles n’en devinaient la flaireur : les promesses de joutes futures, libidineuses à souhait, suivies, comme il se devait, des voluptés du nonchaloir, requéraient leur seule attention.
    — Il vous faudra partir cette nuit. Exigez un sauf-conduit car ces Goddons sont d’une fausseté immonde.
    — Nous l’exigerons, mon oncle.
    Le ciel gronda ; un éclair en jaillit ; sa réverbération presque aveuglante révéla, sous l’herbe rouge, aplatie, une flaque de sang qui se teintait d’eau sale.
    — Emmenez ma fille.
    — Elle vient vers vous, mon oncle.
    Odile et Jeanne de Kent accompagnaient Tancrède et, délaissant les exhibitions des chevaliers dont la venue, sur le terrain, semblait loin

Weitere Kostenlose Bücher