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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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poussait sa ferveur pour Dartford en avant, s’écrasait sur la barrière, par spasmes, comme une marée sous le vent. Juchés sur des épaules, des enfants tendaient le cou pour apercevoir quelque chose, tous dominés par cette curiosité qui les avait incités à voir un vieil ours dépecé par des molosses. Et Guillaume n’était-il pas un vieil ours qu’un dogue s’efforçait d’occire ?
    Se détournant, écœuré, Ogier vit un homme se jucher sur le toit de la tribune royale et brandir par le milieu un bâton mince, presque aussi haut que lui.
    « Shirton et son long bow ! »
    Dans le ciel, solitaire, Tom battait lentement des ailes.
    — Quel preux, ton oncle ! s’écria Barbeyrac.
    Un immense Oh ! venait de jaillir : après que Guillaume, à coups redoublés, en eut martelé la lame, Dartford lâchait son épée. Elle tournilla et chut la prise dans l’herbe, le reste dans la boue.
    — Dieu paraît avec lui, dit Ogier, rassuré.
    Tenant à deux mains son écu, l’Anglais se prépara aux assauts les plus turbulents et les plus angoissants qui fussent. Privé de son épée, il n’était rien, ou presque. Les manants le huaient, ses compères l’encourageaient ; le roi, debout, était son juge et non plus un compagnon d’armes.
    — Dommage, regretta Barbeyrac, que je ne puisse voir son visage. Rapprochons-nous quand même !
    Il fit quelques pas en avant. Dartford, lui, reculait avec une lenteur de lynx acculé à sa tanière.
    « Qu’attend-il ? » enragea Ogier. « S’il ne le tue maintenant, il est perdu ! »
    Pour la première fois de sa vie de guerrier, Guillaume hésitait à occire un homme désarmé ! Il abaissa son arme et souleva sa ventaille.
    — Messire, dit-il hautement afin que le roi pût l’entendre, le remords me poursuivrait tout le temps qu’il me reste à vivre si je vous interdisais de reprendre cette arme sur laquelle j’ai posé un pied que je retire. Rempoignez-la, je vous prie.
    Craignant quelque traîtrise – un taillant sur la nuque –, Dartford refusa de la main. Offrey vint ramasser l’épée devant Guillaume et l’insulta, l’en menaça même, avant de la lancer à son compère qui la saisit au vol.
    Une ovation monta. L’espérance, un moment rabougrie, refleurissait : la racaille saluait le courage d’Offrey.
    — Celui-là ! grommela Barbeyrac, il faudra que je le transperce.
    — Si ce n’est toi un jour, ce sera moi le lendemain.
    Ogier reçut l’approbation de Russell Chalk qui ensuite enjoignit à Dartford :
    — Allez, messire, sinon je vais arrêter le combat.
    L’Anglais lâcha son écu, l’accusant peut-être d’être responsable d’une faute dont son ennemi devait s’ébaudir. Il remua sa lame et attendit.
    Guillaume n’osait s’approcher. Il semblait sonder le contenu de cette armure quasiment neuve et regretter de ne l’avoir pas vidée de sa substance ou, tout au moins, de son sang. La foule bouillait, sautillait, ricanait, se conduisait en femme folle. La regardant avec plus d’acuité que les fois précédentes, Ogier s’aperçut combien elle était chétive, ardente de méchanceté, sans dignité, sans autre fraîcheur que celle, impure, qui ressortissait au « temps de chien » de cette journée d’automne. Hommes, femmes, enfants, il entrevoyait des visages béats d’expectative et de contentement, et les meilleurs, les plus humains qu’il pût trouver, à l’avant de cette tourbe, eh bien, c’étaient ceux des hommes d’armes.
    Le combat reprit avec ces taillants assenés de haut en bas, cette application, ces ahans lugubres, ces coups d’allonge rétractés comme les griffes des fauves, ces grognements fluant aux trous des bassinets.
    Dartford essaya d’enferrer Guillaume par une estocade à la hanche. Il répliqua par une empainte [320] au colletin qui atteignit la chair : une limace vermeille sinua sur le fer pentu.
    Furibond, Dartford voulut en finir. Guillaume concéda deux pas en arrière et lui porta de longs et forts coups de taille sonores, mais qui n’achevaient rien, et dans des lueurs de foudre, les épées multiplièrent les éclairs.
    Ogier, qui regrettait que le combat s’éternisât, entendait le soulèvement tumultueux de l’assistance, les exclamations pointues des femmes, les crépitations des mains. Emportés par une ferveur terrible et terrifiante, cent Anglais exigeaient : «  Kill him ! » , cent autres reprenaient : «  Kill him ! » et le reste de la

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