Le jour des reines
30 janvier 1343. D’autres situent sa mort à Windsor, le 30 janvier 1344, des suites de contusions multiples reçues lors d’un tournoi. Il partit bien pour la Castille avec Derby et fut au siège d’Algésiras… mais il eut sa sépulture à Londres, à Whitefriars.
On voit que sa biographie n’est pas simple.
Montaigu connaissait fort bien Robert d’Artois, qui avait attisé le feu entre l’Angleterre et la France et incité Édouard III à entreprendre une longue guerre, lors du « Vœu du Héron » au printemps de l’année 1338, à Windsor. Cette scène maintes fois exploitée par les écrivains – d’Alexandre Dumas à Maurice Druon – a été décrite diversement, et il semble que ces auteurs ne se soient guère souciés du document essentiel, exhumé par Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye à la Bibliothèque de Berne, où il figurait entre la Chronique de Guillaume de Nangis et la Chronique de Flandre. On en trouve la traduction quasi juxtalinéaire dans ses Mémoires sur l’Ancienne Chevalerie (1759).
Guillaume de Montagu était présent à la table royale. Mieux : ce fut lui qui prononça le premier vœu. Selon le poème consacré à cet événement, il était éperdument amoureux… de la fille du comte de Derby.
« Le plus brave et le plus amoureux de l’assemblée », c’était ostensiblement lui. Sollicité par Artois de prononcer son vœu, Salisbury ne craignit pas de « dépouiller de sa divinité la Vierge Marie » pour donner la préférence à celle qu’il aimait. Puis le profanateur se pencha sur sa voisine. « Impatient d’obtenir le droit de merci » qu’elle lui refusait « impitoyablement », il la pria de lui accorder un doigt de sa belle main pour qu’elle daignât l’appliquer sur son œil droit [334] de manière qu’il fut entièrement fermé.
Au lieu d’un doigt, la pucelle lui en accorda deux. Il jura de ne plus déclore sa paupière avant qu’il ne fut entré sur les terres de France et qu’il eût combattu Philippe VI en bataille rangée. Après quoi, sa voisine jura, s’il tenait parole et revenait vivant, de lui faire don, pour toujours, « et sans réserve », de sa personne.
Les pensées du roi, au cours de ce festin, étaient des pensées d’amour. Elles s’adressaient à Catherine, la belle comtesse de Salisbury, attablée non loin de lui. La reine Philippa était aussi présente. Il ne semble pas, cependant, quand on connaît toute l’histoire, que ce fut pour dégager la voie à Édouard III que Salisbury se montra si amoureux et si grandiloquent. Quelque vacciné que l’on soit sur les convenances eu égard aux mœurs actuelles, on est troublé par cette scène.
UN GENTIL CHEVALIER
Fille d’un gentilhomme de Bourgogne, Guillaume de Grandison (mort en 1335) et de Sibylle Tregoz [335] , Catherine de Salisbury, née vers 1310, était, selon Froissart, la plus belle et la plus sage dame d’Angleterre. Une des plus courageuses aussi. Tandis que son époux bataillait en Flandre et s’y faisait capturer, elle se signala par son courage en défendant sa forteresse que le roi d’Écosse avait assiégée. Cette citadelle, demeure des Montaigu, était bâtie à Wark, entre Newcastle et Carlisle, sur la rive gauche de la Tyne, selon certains, de la Tweed selon d’autres. On y pénétrait en criant : « Salbry ! » Elle est à l’origine de confusions entre quatre personnes : Salisbury et sa femme, Catherine (à moins que ce ne soit Élise, Alips, Aelis, Alix, Alice, Alys) et l’autre Salisbury, l’amant de Jeanne de Kent.
Laissons Froissart conter la manœuvre, puis l’attaque de Robert Bruce :
Le roi d’Écosse « se logea une nuit, et toute son ost, assez près d’un moult fort châtel qu’on appelle Salebrin, qui étoit au comte de Salebrin qui fut pris avec le comte de Suffolch ès marches de Picardie devant Lille en Flandre ; et étoit adonc encore en prison dedans le Châtelet à Paris.
« En ce fort châtel séjournoit la noble comtesse de Salebrin, que on tenait pour la plus belle et plus noble d’Angleterre, et étoit, ce fort châtel, bien garni de gens d’armes. Si en étoit gardien et souverain ung gentil escuier preux et hardi, fils à la sœur, le comte de Salebrin, et avoit nom messire Guillaume de Montagu, aprez son oncle qui ainsi eut nom ; car quand le roi le maria, il lui donna la comté de Salebrin pour sa promesse et pour le bon service qu’il avoit toujours en
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