Le jour des reines
lice. Le dernier, assurément. Son heaume enjolivé d’un lambrequin vermeil supportait au sommet une tête de veau. Trois autres figuraient sur son écu, de part et d’autre d’une fasce de gueules, sur fond d’argent. Il était immense et montait un cheval blanc géant. Des boutreaux de cuir noir [331] crépitaient sur sa croupe.
Il se précipita devant le roi, salua ; devant la reine, salua et galopa vers le pavillon des Français :
— Ogier !
— Hugues !… Tu savais que j’étais ici ?
Calveley se desheauma et laissa le vent éponger sa tête rousse.
— J’arrive… retenu par une mince affaire… Un archer qui, ma foi, me semblait fuir Ashby, m’interpelle et me crie : « Messire Ogier vous cherche ! » Je l’emmène sous mon tref et pendant que je m’adoubais, il me raconte tout. Ne crains rien : il est en sûreté…
— Je t’en sais bon gré… Mais vois…
— Je sais, je sais… Allez dans ma tente avec ton compagnon… Emmenez ces chevaux, conservez votre armure…
— Mon oncle…
— Emmenez-le, veillez-le… Je fournis mes courses et je vous retrouve !
Ogier et Barbeyrac échangèrent un regard.
— Il en sera fait ainsi, répondirent-ils ensemble.
ANNEXES
ANNEXE I ÉDOUARD III ET LES FEMMES
Deux héroïnes de la guerre de Cent Ans
CATHERINE DE SALISBURY – JEANNE DE KENT
Tous ceux qui, en-deçà des batailles, s’intéressent à la guerre de Cent Ans, ont pu constater que le premier quart du conflit entre la France et l’Angleterre avait été marqué, sur la Grande Île, par l’apparition et les aventures de deux créatures d’une beauté singulière : Jeanne de Kent et Catherine de Salisbury. Il est malaisé, tellement leurs vies s’entrecroisèrent, de leur consacrer une biographie séparée. Outre qu’elles furent aimées farouchement et différemment par le roi Édouard III, elles fréquentèrent les mêmes familles, connurent des honneurs quasiment semblables et achevèrent leur existence assez lamentablement.
Il faut de la persévérance pour démêler les situations où figurent ces deux « gentilfames ». Elles atteignent le faîte de l’embrouillamini quand il est question du château de Wark où elles séjournèrent toutes deux à des époques différentes mais peut-être, parfois, ensemble. Comme toujours – et sans qu’Auguste Maquet, son aide, en fut cause –, Alexandre Dumas y perdit le fil de l’Histoire : sa Comtesse de Salisbury, publiée en feuilleton dès le 25 septembre 1838 dans Le Moniteur, n’est qu’un monceau d’erreurs où figurent çà et là de pauvres vérités. Il a souvent confondu les deux Salisbury, parfois Jeanne et Catherine, et transformé le viol manifeste de cette dernière en fatal abandon avec toutes les conséquences romanesques inhérentes à cette menterie. On lui pardonne un peu trop aisément les libertés qu’il prit avec la Vérité. Il est vrai, toutefois, que sans posséder son allant et ses nègres – appelés maintenant documentalistes ! –, certains auteurs de romans historiques font actuellement pire !
Jean le Bel, Froissart, l’auteur anonyme de la Chronique des Quatre premiers Valois et les chroniqueurs anglais se sont peu ou prou intéressés au sort de Jeanne, de Catherine, de leurs époux, de leurs amants. Pour clarifier cette double histoire, il est préférable d’adopter, au détriment des préséances, l’ordre chronologique, donc de brosser le portrait physique et moral de Catherine après avoir présenté le roi d’Angleterre, non point en souverain, mais en époux.
UN HOMME À FEMMES
Il n’y eut sans doute aucun coup de foudre entre Édouard III, né le 13 novembre 1312 à Windsor, et Philippe (ou Philippa) de Hainaut. Il attendit d’être couronné (1 er février 1327) après la déposition de son père et épousa la jouvencelle soit le 27, soit le 31 janvier 1328. Elle était âgée de 14 ans. C’était la fille de Guillaume, comte de Hainaut, de Hollande et de Zélande, et de Jeanne de Valois. Aussitôt, Édouard lui fit des enfants. Elle en eut 13 (8 fils et 5 filles). Ses grossesses l’enlaidirent ; son époux s’occupa des tendrons de la Cour, y compris de ses chambrières.
La première gentilfame qui le fascina vraiment fut la comtesse de Salisbury. Mais avant que de parler d’elle, il convient de fournir quelques précisions sur son mari.
William (Guillaume) de Montagute (ou Montacute, Montagud, Montaigu),
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