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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mort.
    — Un outlaw ou un captif qui s’est enfui et fait rejoindre.
    Ogier refusa de prendre pour un avertissement déguisé le commentaire de la pucelle tandis que Peter s’informait de la demeure de Gauthier de Masny.
    — Derrière la Tour, sur l’autre rive de la Thames.
    Un énorme donjon aux angles renforcés de quatre tours carrées coiffées de sombres coupoles envahissait le ciel gris.
    — Suivez la Thames, Peter. Nous traverserons le pont. Au fait, messire Argouges, nous sommes passés tout près du château de Cobham… Vous dormiez. Avez-vous vu comme les hommes d’armes sont rares ?
    — Évidemment : ils sont en train d’ensanglanter la Bretagne, le Périgord et moult autres campagnes !
    « Et puis », se dit Ogier en s’asseyant, « pourquoi verrais-je cette cité davantage ?… Dans sa lettre, quelles recommandations Masny fait-il à sa femme ? Sûrement pas de rester à Londres, mais de m’emmener dans leur châtelet sous bonne garde ! »
    Il s’allongea. Bientôt, les cahots s’apaisèrent tandis que les jantes et la caisse résonnaient d’une façon nouvelle sur des pavés moins bosselés.
    — Le pont, messire Ogier. Des maisons et une chapelle sont bâties dessus.
    Il voyait ces maisons hautes de plusieurs étages. Quand ils avaient besoin d’eau, leurs habitants devaient jeter dans la Tamise leurs seaux suspendus à des cordes.
    — Dieu me garde ! murmura-t-il en passant devant la chapelle. Et que messire saint Michel hâte ma guérison [55] .
    Et vivement, il se signa.
     
    *
     
    — Depuis trois jours !
    — Quand elle a su, vendredi dernier, que Calais s’ouvrait à notre bonne gent, l’épouse de messire Gauthier s’est moult réjouie. Dimanche à midi, son coffre était rempli ainsi que celui de sa chambrière. Elles sont parties pour Hastings… Je présume qu’elles sont rendues et que messire Gauthier est heureux.
    — Ébaubi, rectifia Odile, suggérant sans façon une déconvenue.
    Peter avait mis pied à terre. Peu disposé à repartir, il semblait ronger le pommeau de son fouet. Les quatre sergents, toujours à cheval, se mirent à chuchoter.
    — Toutes ces lieues ! dit l’un.
    — Sans sommeil ni repos ! dit un autre.
    L’homme qui les avait accueillis sur le perron d’une bâtisse grise aux fenêtres dont les vitraux scintillaient, pouvait avoir soixante ans. Grand, maigre, chenu, d’allure acrimonieuse, il lui manquait le bras senestre.
    — Que puis-je pour vous ?
    Maussade et altier, il défiait Odile. Que venait faire ici cette jouvencelle au parler haut, à la démarche conquérante ? Cette pecque de quinze ans qui l’examinait avec un air de supériorité détestable, semblait en imposer à cinq hommes dont quatre guerriers !
    — Messire Gauthier vous a-t-il remis un pli ?
    — Pour sa dame, nullement pour vous.
    Sur le visage raviné du chambellan passa une expression hésitante que le regard de la pucelle saisit au vol :
    — Votre nom, je vous prie.
    — John de Sudbury.
    — Votre nom m’est connu.
    — J’ai combattu auprès de messire Gauthier jusqu’à la bataille de Hennebont, en Bretagne. Nous étions venus au secours de la dame de Montfort qui, entourée de ses fidèles, soutenait un siège infernal… Il y eut une grosse mêlée quand, après avoir dégagé la cité, nous avons fait une sortie pour détruire les engins de guerre des Charlots et des Franklins [56] . Une hache m’a rompu ce bras. Messire Gauthier m’a conservé à son service. Il ne veut plus que je bataille, et… et c’est grand dommage…
    L’estropié abaissa les yeux sur son surcot de lin et ses chausses d’un bleu pisseux. À ses heuses en peau de daim demeuraient fixés des éperons d’argent dont il avait enlevé les molettes.
    — Je conçois, John, qu’il vous en coûte d’être devenu l’estuart [57] de messire Gauthier, mais, dans les conditions que vous m’avez citées, vous devriez en tirer fierté !… Nous ne pouvons aller plus loin. Il nous faut cinq places pour nos chevaux à l’écurie et, jusqu’à après-demain, six lits ou de la bonne paille pour que nous recouvrions nos forces… Je m’acquitterai du séjour et de la nourriture.
    Odile s’exprimait d’une voix mesurée. Sa déférence à l’égard de ce guerrier au passé méritoire était aussi sincère que l’avait été son mépris.
    — C’est que… commença John de Sudbury.
    « Il hésite et c’est son devoir », se dit Ogier.

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