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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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« Je n’ai jamais ouï-parler d’un Winslow ou d’un Sudbury. Par contre, j’ai les oreilles pleines de noms tels que Northampton, Masny, Derby, Cobham ! »
    — Eh bien, compère ? demanda Odile. Allez-vous me répondre et quitter ce perchoir ?
    Ogier vit des visages aplatis contre les vitraux, de sorte qu’il n’eût su dire s’il s’agissait d’hommes ou de femmes. Sans doute, lorsqu’il assurait l’intérim, le vieux John se prenait-il pour le maître du logis. S’il semblait insensible à la beauté d’Odile, son assurance l’inquiétait.
    Ogier remua, exaspéré par tant d’incertitude. Le visage de la pucelle apparut entre les barreaux de la ridelle.
    — Patience, dit-elle en souriant avec un air de connivence qu’elle eût accordé à un familier.
    — Qui est-ce ? demanda John de Sudbury. Ce blessé me paraît durement touché.
    — Il fut laissé pour mort sur un champ de bataille.
    — En quel lieu, damoiselle ?
    Odile ne se défendait plus contre une espèce de jubilation en découvrant qu’elle pouvait exciter la curiosité du vieil intendant et la décevoir du même coup.
    — Il fut navré à Calais. C’est un preux, et c’est tout ce que je puis vous dire. D’ailleurs, s’il n’était pas ce que j’avance, Gauthier de Masny l’eût laissé de l’autre côté de la mer… N’est-ce pas, vous autres ?
    Au charretier et aux gens d’armes, elle intimait ainsi un silence qui les troubla. Tous durent se croire impliqués dans une pénible affaire susceptible de n’être résolue que par des têtes couronnées. John de Sudbury s’inclina :
    — Soit, dit-il, vous aurez, damoiselle, une chambre. Mais je ne puis faire mieux. Et j’aimerais, avant toute chose, que vous me montriez la lettre que messire Gauthier adressait à son épouse…
    — La voici, dit Odile en tirant un carré de parchemin de son escarcelle. En reconnaissez-vous l’écriture et le sceau ?
    — C’est bien une suscription de la main du chevalier… et son petit sceau.
    — Ce n’est pas à vous de le briser pour prendre connaissance de ce qui est écrit.
    — Je n’en ai nulle intention.
    — Alors, que cela vous suffise. Quand Margaret de Masny reviendra, vous lui rapporterez ma visite et l’informerez que j’ai emmené cet homme à Winslow.
    « Bonheur ! » songea Ogier. « Elle n’est pas mauvaise… Peut-être m’aidera-t-elle si je parviens à l’apprivoiser. »
    — Vous ajouterez, messire John, que j’ai suffisamment erré pour complaire à son époux et que, si elle le veut, elle vienne le chercher !
    Elle dut se tourner vers les hommes d’armes et le charretier :
    — Messires, vous savez que ces désagréments ne m’incombent pas. Nous allons prendre un bon repos cette nuit et demain…
    — Non, dit un sergent. Il faut ménager les chevaux.
    — Soit. Après-demain, nous repartirons pour Winslow. C’est avec l’agrément de notre bien-aimé souverain que je suis venue céans. Je vous ferai dédommager de votre peine…
    — Mais, objecta Peter. Ma femme…
    — Pas de mais. J’exige que vous obéissiez.
    Le plus vieux des sergents mit pied à terre. C’était un homme rougeaud, grassouillet, dont le haubergeon présentait çà et là des macules de rouille. Sa moustache tombante débordait de son menton.
    — Soit, nous irons à Winslow, damoiselle, puisque tel est votre désir. Cependant, nous aurons besoin d’un document à présenter à messire Wallinford.
    — Vous l’aurez.
    Tout en se demandant où se trouvait Tancrède, Ogier regarda le toit de tuiles grises en écailles de poisson. Les gables couronnés de fleurons qui parachevaient sa beauté demeurèrent sur ses paupières quand il les eut closes.
    — Messire Ogier !… Ah ! bon… J’ai craint que vous ne retombiez en pâmoison. Je vais vous emmener au château de Winslow.
    Il sourit, incapable d’exprimer son soulagement à l’angoisse qui l’étreignait depuis Sandwich.
    — Bien que je vous sois un fardeau, damoiselle Odile, je me réjouis d’être votre hôte.
    Il avait cru qu’elle apprécierait sa réponse. Elle se renfrogna, au contraire. Il vit ses petites mains se crisper aux barreaux de la ridelle tandis que son regard se dérobait au sien.
    — Qui sait, fit-elle presque plaintivement, ce que nous ferons de vous à Winslow.

V
    Assis derrière Odile, dans l’encoignure de la caisse, la nuque près du séant de la jouvencelle, de sorte qu’il le touchait

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