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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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éloigné de Bunbury. Chaque année, le dernier dimanche de novembre, on y donne des joutes et il y a compétition d’archerie. C’est la dernière fête d’armes, que je sache, la première ayant lieu à Londres, au mois d’avril. Si nous échouons à Bunbury, il se peut que nous réussissions à Ashby… à moins, bien sûr, que le grand homme ne soit parti guerroyer en France. Le malheur pour nous deux, ajouta Shirton avec un soupir qui peut-être révélait plus d’ennui que de crainte, ce serait qu’Arthur de Winslow et ses deux louves viennent respirer l’air d’Ashby…
    — Il me semble qu’Éthelinde m’a parlé de cette joute le soir de mon arrivée à Winslow… J’étais dans un tel état que je peux me méprendre… Si ma mémoire est bonne, il n’y faut point aller.
    Et comme Ogier laissait paraître son dépit, Shirton lui tapota l’épaule :
    — Cesse de te raser à compter de ce jour. Rien de mieux qu’une barbe et des moustaches pour se faire un faux visage. Demain, je te prêterai mon second long bow…
    —  Je sais me servir d’un arc.
    — Pas comme moi, pas comme nous  : ne l’as-tu pas appris à tes dépens à Crécy ? Je vais donc te donner quelques leçons le temps que ton pied dégrossisse.
    — Soit.
    — Nous avons un cheval ; il nous en faudra deux. Je vais revenir sur les lieux où les hommes d’Arthur t’ont assailli. Il se peut que les chevaux des deux malandrins soient demeurés sur place. Ce serait d’ailleurs une bonne chose d’en avoir trois : Élisabeth aurait le sien.
    Ogier se contentait d’écouter.
    — Elle est servante dans une hôtellerie de Brackley, à quatre ou cinq lieues d’ici.
    — Elle consentirait à partager ta vie d’ermite ?
    — Un temps… Puis nous partirions chez elle, à Plymouth. C’est une ancienne meschine [82] de Winslow.
    Shirton eut un mouvement d’humeur, le premier. Dans le regard qu’il tourna vers Ogier brillait une sorte de provocation avivée par la flamme dorée de la torche :
    — Ne crois surtout pas que, du temps de Galswinthe, je me payais, certaines fois, une pinte de plaisir avec Élisabeth !
    — Loin de moi cette pensée.
    — Elle est veuve. Son époux et leur fille sont morts peu après qu’on les a boutés hors de Winslow… Mon épouse et moi et eux, on était en amitié… C’est la divine providence qui m’a fait retrouver Élisabeth dans cette hôtellerie où John Ferris veille sur elle avec autant de rigueur qu’un geôlier. Elle fait le ménage, la cuisine et pour ne pas qu’il la jette à la rue, elle doit le servir au lit !… Seul, il m’était difficile d’entreprendre ce rapt auquel je pense depuis des mois. À nous deux, nous le devons réussir.
    — Nous réussirons ! affirma Ogier. Je te dois bien cette compensation.
    Shirton leva les yeux vers l’ouverture où le ciel brunissait.
    — Tom ne tardera pas à rentrer. Va te coucher sur ces peaux de bêtes, le temps que je fasse du feu et prépare ton emplâtre.
    — Et les chevaux ?
    — J’irai ensuite… Tiens, regarde au-dessus de nous !
    Tom venait de franchir la trouée. Maintenant, il tombait en volutes obliques, effleurant parfois, d’une aile, la courbe du rocher. Un brocheton remuait dans son bec.
    — Il sait vivre, commenta Shirton. Il n’entre jamais céans sans apporter sa contribution à la mangeaille.
    Le balbuzard jeta le brochet sur le sol. Shirton l’y laissa se tordre. Le rapace eut comme un gloussement avant de se poser sur son poing, sans rudesse.
    — Il est beau, dit Ogier. J’ai eu un faucon, Titus, que j’aimais bien. Ma sœur Aude l’a perdu à la chasse.
    — Tom est peut-être court enjointé [83] , mais il n’en vole que mieux.
    Tom enfouit son bec sous une de ses ailes repliées comme une femme frileuse eût enfoncé son nez dans un colletin fourré. Ogier lui offrit son poing. Le regard se fit sec et interrogateur.
    — Vas-y, Tom !… Go ! Go !
    Comme de froids bracelets, les serres vinrent se replier sur la chair de la dextre d’Ogier.
    — Nul besoin de gants à ce que je vois.
    Le plumage, gris noisette, jaspé sur les ailes, brillait aux lueurs du flambeau. Un duvet presque blanc, tacheté de quelques aiglures, moussait sur le ventre et le jabot, et l’eau que l’oiseau avait effleurée, puis percée, y avait déposé des gouttelettes peut-être gênantes, car il se secoua et les fit tomber. Sous sa paupière blême, clignotante, son œil miroitait ainsi

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