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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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blêmissait une lumière immobile, descendait en pente douce, sur une longueur de quinze ou vingt pas, pour déboucher dans une vaste grotte à peu près ronde, d’un diamètre de sept à huit toises environ, dont les murs s’élevaient en s’arrondissant pour former une sorte de dôme de la hauteur d’un clocher, percé en son sommet : on apercevait un peu de ciel à travers les entrelacs d’une broussaille.
    — C’est un peu chiche en luminaire, mais n’aie crainte, Franklin, dit Shirton en riant, j’ai ce qu’il faut.
    Il marcha vers une sorte de table, battit le fusil, embrasa une torche.
    — Regarde !… On a bien chaud sous ces peaux de bêtes. J’en ai tant qu’on pourra en couvrir le cheval… J’ai aussi, dans ce coin, moult nourriture : venaison et poissons frais de ce matin… Sache que je ne tue jamais par plaisir mais quand c’est nécessaire… Là-bas, c’est la haste [78] où je cuis mes viandes… La fumée s’en va au-devant du ciel… Je me suis fait dans du bon bois des gobelets, écuelles, cuillers, brocs et seilles…
    — Tu sembles ne manquer de rien. Je vois un saucisson sur ce plateau qui te sert de table, et deux miches de pain…
    — Il m’advient d’aller m’approvender à certains marchés.
    — Comment remplis-tu ton escarcelle ?
    — Comme je peux.
    Ogier se contenta de cette réponse et Shirton reprit :
    — Tu regardes cette lucarne qui nous pourvoit en air et en lumière et te demandes où elle est placée… Je t’ai montré deux chênes morts, embrassés. Juste après – et tu ne l’as pas vu –, les eaux enragées se séparent et divorcent pour former une île un peu ronde, une calotte de terre assez haute et tout embroussaillée… C’est là qu’est ce trou, cet œil levé vers le ciel.
    — On voit que la nature est ta complice.
    — Un tantet seulement. Chaque printemps, quand la rivière est en crue, elle recouvre l’île et se répand ici par cette trouée. L’inondation a son inconvénient, puisqu’elle me chasse, et son utilité, puisqu’elle fait un grand nettoyage.
    Bien que son pied le fît souffrir, Ogier demeurait immobile, saisi par la beauté de cette étrange caverne et, surtout, par le sentiment de sécurité qu’il y éprouvait. Les rayons du soleil s’insinuaient à travers la brèche où bleuissait le ciel. Certains se mêlaient aux lueurs de la torche pour répandre, sous l’immense cloche de pierre, une clarté rosée presque surnaturelle.
    Shirton eut un petit rire sec et, levant sa flamme bien haut :
    — Ce trou et ces poils d’herbes brunes me donnent parfois des idées… J’en ai assez de vivre seul… L’entière liberté a du bon quand elle est partagée !
    Ogier se sentit saisi au poignet et mené vers un billot sur lequel il s’assit.
    — Je sais avec qui je pourrai partager cette caverne.
    L’équivoque prenait un tour déplaisant. Shirton s’en aperçut et partit d’un grand rire que la voûte et les parois multiplièrent et augmentèrent au point que le Noiraud prit peur et se mit à ruer.
    — Tiens ce flambeau : il faut rassurer ce cheval.
    L’Anglais apaisa l’animal en lui caressant l’encolure, le chanfrein et les naseaux puis, le soulageant de sa selle :
    — Je ne suis pas de la lignée d’Édouard II, et ce n’est pas avec toi que je songe à faire ma vie, mais avec Élisabeth Pethrick.
    — J’aime mieux cela !
    Cette fois, ils rirent tous deux, sans contrainte. Le cheval parut accepter cette joie dont les échos s’en allaient se dissoudre dans la forêt par ce trou qui, parfois, faisait rêver Shirton.
    L’Anglais fit rouler un billot et s’assit dessus après l’avoir posé de chant :
    — Tu t’es enfui pour revenir en France ?
    — En Normandie, chez moi… Je ne t’ai pas dit mon nom : Ogier d’Argouges, chevalier.
    — Chevalier, soudoyer, fourrageur, gonfanonnier, voilà bien ce dont je n’ai cure… Veux-tu que je t’aide à enlever ta heuse ?
    Ogier, qui venait de se baisser pour mettre son pied à nu, craignit que ses efforts ne fussent vains tant sa cheville enflée adhérait au cuir de sa botte.
    — Non, dit-il. J’y parviens… Ouf ! je me sens déjà mieux… Mais regarde cette enflure !
    Sa cheville avait doublé de volume et ses chairs se violaçaient.
    — Je te ferai un emplâtre à la graisse de marcassin mêlée à de la farine et à du suif avec lequel je fais mes chandelles. Ça te soulagera. Mais avant que je mette la

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