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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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connaît-elle vraiment tes intentions ? Les a-t-elle acceptées ?
    — Crois-tu que, dans le cas contraire, j’engagerais ma vie et la tienne pour la sauver ? Ferris règne à Brackley autant que le baron, son compère de débauche. Qu’il siffle et vingt ou trente manants surviennent et obéissent à ses volontés. C’est un ancien malandrin de Londres. Il doit son immunité au roi pour lui avoir fourni de pleins sacs d’esterlins lorsqu’il ne trouvait guère de prêteurs dans son entourage parce qu’il n’était qu’un damoiseau dont la mère, elle-même, se souciait peu. Mais dès le jour de son couronnement, Édouard III oublia ceux qui avaient eu des bontés pour lui. Les grands prêteurs se pressèrent sur son passage [85] . On dit que Ferris a quelques crimes sur la conscience et qu’il fut parmi ceux qui accompagnèrent Édouard II du château de Kenilworth à celui de Berkley, il y a de cela vingt ans. Il était aussi l’ami de Jean d’Eltham [86] , ce qui l’a bien servi… Mais à quoi bon te rapporter ces choses : Ferris est redoutable. Il règne par la menace et les coups. Il me craint parce que je suis prompt et touche juste ; il me déteste puisqu’il m’a suffi d’apparaître pour ravir la victoire non seulement à ses archers, mais encore à ceux de Simon de Brackley… Regarde Tom, au-dessus de nous ! Il a senti l’eau et va disparaître… Nous sommes presque arrivés…
    Ils dépassèrent la première maison du village ; une demeure à toit de chaume et colombages – comme en Normandie.
    — Je crois, dit Ogier, qu’il faut pour réussir nous déterminer autrement. Tu iras aux écuries. Tandis que tu couperas les ventrières des selles des chevaux à l’attache, j’entrerai dans la grand-salle pour avaler un gobelet de vin.
    Shirton, d’une main, entrouvrit son escarcelle.
    — Tiens, voilà de quoi en acquitter le prix.
    Ogier mit la pièce dans la poche interne de son pourpoint.
    — Tu m’as dit qu’Élisabeth était brune. Je m’adresserai à elle… Je trouverai bien un prétexte…
    — Elle parle le français un peu moins bien que moi. Quand elle saura que c’est Aster qui t’envoie, elle comprendra.
    — Je lui dirai de passer par la cuisine et de m’y attendre sur le seuil. Tu y auras laissé mon cheval et le tien… Au fait : sait-elle se tenir en selle ?
    — Fort bien. Mais moi, que deviendrais-je ?
    Ogier observa cette tête inquiète, hirsute, et cligna de l’œil :
    — Toi, sitôt que tu auras coupé les sangles et abandonné nos chevaux devant la cuisine, ou pas très loin, tu t’en iras avec le sommier à l’autre bout de la cour, et tu tiendras un arc et sa flèche encochée… Bien sûr, tu seras à pied, le cheval à mi-pente… Tu te cacheras.
    Les épaisseurs de soucis qui marquaient le visage de Shirton s’allégèrent.
    — Je commence à comprendre et tout cela me plaît.
    — Je ne te reproche pas d’avoir mis du temps à trouver mes idées meilleures que les tiennes.
    Ils rirent : cette bonne humeur un tantinet forcée plaçait leur aventure sous d’heureux auspices.
    — Bien sûr, reprit Ogier, quand nous fuirons, nous passerons devant toi. Lentement si nul ne s’est aperçu du départ d’Élisabeth, au galop dans le cas contraire. Il t’appartiendra de retenir ceux qui voudraient tenter de nous rejoindre en chevauchant à poil. Si tu en as le temps, tranche aussi toutes les rênes.
    — Je ferai de mon mieux.
    — Si par malheur on nous poursuit, ne tue ni les hommes ni les chevaux : sois assez habile pour refréner leur ardeur en les atteignant où tu voudras, mais petitement : un rapt n’est pas la guerre même si la haine l’a provoqué. Fais en sorte que ces manants croient qu’il y a quatre ou cinq hommes derrière le muret : ils renonceront, car il n’est de pire couard que celui qui ne voit ni ne sait qui l’agresse.
    — Soit. Qu’as-tu d’autre à me proposer ?
    Shirton grimaçait un peu. Dans son regard mi-clos, quelque chose brûlait.
    — Tu piqueras des deux lorsque tu le jugeras nécessaire. Nous t’attendrons… Laisse un arc et un carquois sur le Noiraud. Je suis un précautionneux. Cela m’a toujours servi.
    — Sauf à Sangatte, lança Shirton en talonnant son cheval.
    C’était assurément une flèche de Parthe. Ogier s’en trouva blessé.
    « Il semble prendre ombrage à l’avance de l’intérêt que je pourrais avoir pour cette Élisabeth !… Comme si je

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